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Les réunions de travail

mardi 21 avril 2015, par Grosse Fatigue

J’aime les réunions de travail ça ne sert à rien mais on est ensemble et l’on parle d’autre chose. Les réunions nous réunissent et j’en profite pour en parler. Il faut se mettre dos au mur - et pas par hasard - pour masquer l’écran où l’on écrit au monde entier. Bonjour tout le monde. Bonjour le Québec et la Belgique, l’Afrique francophone et les expatriés. Bonjour les exilés je vous envie, je reste ici, je participe à une réunion.

Chacun y parle de ses petits problèmes, de bordel ambiant et du manque d’avenir. A la française nous nous mettons à dériver, les oiseaux chantent et le printemps est là. C’est la première année que je ne m’enthousiasme pas pour le printemps et que je ne m’enthousiasme pour rien, par ailleurs. Je le fais savoir et les collègues compatissent. Ça nous fait un sujet de discussion : l’impuissance.

Et puis la fenêtre, comme les cours à la fac face au professeur assis comme on s’ennuyait, on s’ennuyait, on rêvait d’évasion. Finalement ma vie est bercée par les fenêtres, il faudrait partir. J’entends les conversations, l’intérêt suscité, les encouragements, je suis parti ailleurs. Je me demande d’où me vient cette inadaptation totale au monde du travail. Il est vrai qu’enseigner ne rime à rien, surtout quand la demande est faible. Un boulanger doit être heureux, il travaille de ses mains, il ne remet rien au lendemain, il fatigue son corps une vie entière pour la satisfaction du quartier. Et hop.

On se regarde et l’on se parle. J’en profite pour écrire ce texte, pour parler à d’autres gens, ceux qui comme moi s’ennuient quelque part. C’est forcément au travail, je ne suis pas lu par les boulangers. Et je sais qu’il n’y a personne ici le dimanche, sauf les pompistes dans les pays étrangers où l’on n’a pas rationalisé le coût du travail. Oui, je rêve qu’un pompiste du Nevada passe son temps à apprendre le français en lisant mes délires, afin de pouvoir un jour demander son chemin dans Paris, avec femmes et enfants, et l’on ira boire un coup de rouge pour lui montrer que Paris sera toujours Paris, entre autres. Il m’inviterait chez lui, il aurait une vieille décapotable, il me présenterait sa sœur, qui serait folle de littérature, de sexe et de français, elle aurait des gros seins et s’appellerait Pamela, et ce serait bien qu’elle tombe amoureuse de moi car elle ne serait pas vénale. On traverserait son pays dans l’autre sens, car il y a toujours un autre sens, celui qui m’éloignerait de toutes les réunions de travail. Juste partir, parler à des inconnus, passer du temps dans des laundry avec des étudiantes sud-américaines qui m’inviteraient à manger du chili con carné. Oh oui, je n’aurais plus jamais de réunion de ma vie, je saisirais enfin ma chance, je dirais adieu aux collègues, je n’en aurais plus jamais, voilà ce que m’inspirent les réunions de travail. J’emmènerais mes enfants quand même, on clonerait leur mère sans son côté obscur, on finirait quelque part sur une plage, en fond d’écran de Natacha - voire mon texte précédent - et ça la ferait rêver.

Je serais un peu polygame, mais en cachette, et j’irais boire des coups avec le cadavre de Bukowski dans une cabane près de la plage. Je serais moins honnête et je n’aurais plus d’ordinateur connecté.

Tu nous écoutes ?

Oh, GF, tu nous écoutes ?

GF ! Tu nous écoutes ? Qu’est-ce que tu proposes ?

Qu’est-ce que je propose ?