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Avant-garde merde

jeudi 10 septembre 2015, par Grosse Fatigue

L’important, c’est l’avant-garde. On expose des œuvres d’avant-garde. Houellebecq est d’avant-garde. Il parle de porno et de trous, de femmes lubriques et de choses insensées, des frustrations sexuelles des quidams mal-nés qui, comme lui, sont affublés d’un inesthétisme qui les pousse à se surpasser pour conquérir les femmes par la promesse d’une gloire dans la fumée de cigarettes et l’odeur de vieux slip.

Le reste, c’est du déjà-vu.

Il faut choquer.

Il faudrait faire un roman sur l’épilation définitive sous l’angle de l’opposition binaire chère aux structuralistes : nature/culture. Le tatouage étant ici la culture, la dérisoire de notre époque, et le poil la nature. Le tatouage en 3D viendra bientôt, mais les écologistes lui préfèreront la repousse des poils, car ça reviendra au même.

Moi aussi j’essaye de faire de l’avant-garde. Quand j’ai commencé à écrire en ligne (avant de devenir le site le plus lu au monde), je voulais être à l’avant-garde. J’avais un éditeur html wysiwyg et ça n’était pas rien. Quand je pense que l’autre qui écrit sur les gorgées de bière utilise encore une machine à écrire ! Oui, c’est vintage mais quand même ! Moi aussi Fumaroli ! (un cri de guerre italien) Moi aussi, Fumaroli ! Je veux être à l’avant-garde ! Moi aussi, je voudrais vivre de mon art, de ma plume, de ma prose, de mon manque de souffle ! Moi aussi, je voudrais être subventionné par une quelconque FRAC et l’un de ces conservateurs (SIC) qui passe son temps à dire ce qu’il faut donner à la bourgeoisie d’avant-garde en matière d’installation et de vidéos ! Oui, moi aussi j’aimerais être Sophie Caille ou Nan Goldin, je m’appellerais Cheese Nan Caille, un nom presque phonétique d’origine indienne, je me trouverais une symbolique comme Balavoine se trouvait un dieu à la fin de sa seule bonne chanson, la première ! Ah oui, j’aimerais être à l’avant-garde d’un art qu’un petit public me vendrait pour finir quand même un jour dans les bras du grand public, celui qui rapporte, le peuple des lecteurs de mots intéressants, celui qui fait vivre Philippe Roth ou Gavalda ! Oui, j’aimerais écrire discrètement et en vivre ! Mais pour être à l’avant-garde, il faut foutre un peu la merde, à la Virginie Despentes, à la Angot ! Il faut être constipé ou alors avoir violé sa mère, avoir eu des rapports avec un Cochon d’Inde surdoué, ou bien avoir des complexes d’œdipe à ne plus quoi savoir en faire ! Putain comme je suis frustré dans le TER vide et trop froid de ce soir ! La climatisation est encore inversée et j’ai oublié mon pull-over ! Ce n’est pas comme ça, la veille de mes cinquante ans, que je vais m’en sortir, que, comme Bachelard, je vais enfin trouver la reconnaissance dans le regard servile d’une lectrice de Bouzy La Forêt ça existe (Salut David), non, ça n’est pas demain !

Car demain ne tient pas ses promesses pour les hommes dans mon genre. Demain, c’est toujours pareil. Il faut regarder son emploi du temps, préparer ses cours.

J’ai bien des idées de romans, mais j’ai la feignasse bien installée, qui me distille comme un suppositoire la grandeur de mon nombril. Merde. Je suis sûr qu’il faudrait quand même s’y mettre, trouver un filon d’avant-garde. Peut-être vanter un truc improbable, un produit-miracle, ou faire de la politique ! Se prostituer ! Se vendre à ses lectrices ! (N’exagérons rien ). Bon sang comme j’aimerais passer outre.

Outre quelque chose.

Peut-être sculpter de la merde et l’embaumer dans des cubes de plexiglas™ ?

Ou peut-être pas.

Eviter le déjà-vu.

Voilà.

Eviter le déjà-vu.