Accueil > Petits ras-le-bol > Une Chinoise en son miroir mais Plossu en Nikkormat
Une Chinoise en son miroir mais Plossu en Nikkormat
samedi 28 mars 2015, par
Autrefois les filles se refaisaient une beauté dans leurs miroirs Cendrillon Blanche-Neige. Je me souviens de mes sœurs toutes les trois enfermées à tour de rôle dans leurs miroirs par mon père en Super-8. Il était fier de ses trois filles dans leurs vingt ans. Ai-je vu la scène en vrai ou s’est-elle répétée dans ma tête à force de visionnage ? Et quand aurais-je le courage de l’à quoi bon pour transférer ces vieilles images de mon passé sur un DVD dépassé ? Les témoins vont bientôt disparaître.
A Montparnasse, j’ai vu un distributeur automatique de films sur clé USB en panne.
Je pense à cela dans le TGV. De l’autre côté du couloir, une Chinoise se recoiffe en regardant les centaines d’Euros de son Iphone™6. Elle penche la tête à gauche puis à droite, redresse une mèche de ses cheveux, la passe entre deux doigts et tire l’ensemble en arrière. Pour quelques centaines d’Euros, elle s’admire en vidéo, avant de figer pour l’éternité ses dix-huit ans.
Les vendeurs de miroirs sont-ils en faillite ?
Cette image fait sans doute déjà le tour du monde, de son monde, du nôtre, du nouveau monde numérique.
Ma Chinoise s’est ensuite endormie en écoutant du rap.
A la Maison Européenne de La Photo, j’ai vu Plossu. J’avais oublié que Plossu, comme beaucoup d’autres, n’a pas changé d’outil. J’aime cette force de l’artisan, dont l’appareil prolonge l’œil. La technologie ne l’effleure pas, elle glisse, rien à foutre. Il en est resté au Nikkormat™ . Des Nikkormats, on en trouve à dix Euros dans les marchés au puces. Mais des regards comme celui de Plossu, on n’en trouve pas beaucoup.
Je me demande ce que ma Chinoise, une fois réveillée de son sommeil de rap, pourrait penser de tout cela, de son miroir, de Cendrillon, des vieux reflex, et des regards que l’on porte. Car on porte les regards, comme on porte sa vie, ses valises, en courbant un peu le dos, à la dérobée.