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Supprimer novembre

dimanche 4 novembre 2012, par Grosse Fatigue

J’ai décidé la pétition, l’œuvre collective et charitable, l’emballement, la presque-foi. Il s’agit de supprimer novembre, le mois tel qu’il est, afin que le cœur d’enfant qui chauffe encore en moi ne s’éteigne qu’un peu plus tard. Et puis il faut raccourcir. Sauter d’octobre, des feuilles à terre, des couleurs rouges oranges directement au sapin, à Noël, aux enfants, puis le vrai froid, et enfin les espoirs tenaces, chaque année depuis toujours, d’envisager les filles au printemps, les décolletés, les chevilles et les talons hauts, la terre chaude et un peu de soleil.

Il faut sauter novembre, et même faire sauter novembre à la dynamite, partir vers les îles éoliennes, le Cap-Vert, les Alizés, enfin quelque part où novembre ne compte pas. Il faut en finir avec cette transition, comme entre deux divorces, sous l’eau permanente et froide des flux d’ouest. J’attendrais bien la neige et le blizzard, le sibérien, un train et des créatures mythologiques nordiques, mais pas sous la pluie, et pas dans le noir. J’avoue que j’aurais bien besoin d’Italie, d’Italie du sud, avec toutes les illusions qui vont avec, Mastroianni, il piacere, l’estate, une décapotable et ces jeunes filles des années soixante les cheveux au vent. Mais novembre, le bitume luisant, les limaces dans le potager, la mollesse permanente de la terre et nos chrysanthèmes, non merci.

En sortant du cinéma, nous étions tous d’accord. J’ai crié sur la nouvelle place de la nouvelle ville où plus personne ne vient, cette ville synthétique et artificielle, interdite aux automobiles et aux hommes en général, cette ville liftée comme une vieille californienne, cette ville qui a laissé la place au minéral : j’ai gueulé sur la grand-place, en face du Mac-Do et des zonards, j’ai gueulé : y’en a marre de novembre, merde.

Et là, comme dans un film de Lelouche, tout le monde s’est mis à danser : virevoltant, parfaite chorégraphie. Oui, y’en a marre de novembre. Des gens sont sortis des bars, on a brûlé l’effigie de David Guetta, ce qui n’avait rien n’a voir mais était tout à fait bienvenu, en criant novembre, non merci.

J’ai ensuite célébré mon impuissance en me couchant, les volets fermés, le vent sifflant sous le toit. D’ici la fin, tout ira très vite maintenant. Le temps réel s’accélère, c’est dire.