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Macron et mon potager, entre autres choses...

lundi 3 avril 2017, par Grosse Fatigue

Je lis sur Facebook™ les commentaires des gens. C’est toujours la même chose, c’est du ressort de l’église et de la croyance. Une copine de droite défend maladroitement Fillon, en racontant ce que les gens de droite parfaitement incultes peuvent raconter. Je l’excuse : elle est médecin. Elle a passé sa jeunesse à regarder des dessins d’anatomie et à apprendre des formules mnémotechniques par cœur. Comment lui en vouloir ? Et si l’on rajoute au menu la naissance dans une famille de droite, que peut-on obtenir d’autre ?
Sur un autre fil, aussi tendu que celui d’un funambule, mais sans les à-côtés aériens, les amis du frère d’un copain soutiennent Mélenchon. Mélenchon. Un sorte de Georges Marchais qui aurait fait des études. Quand je salue en lui le Stalinien qui dort, ils me traitent de troll. Il faut bien faire quelque chose depuis que tout le monde déverse son opinion sur tout et n’importe quoi. Alors on se traite les uns les autres.

Je suis allé faire un tour du côté des partisans de Macron. Je me souviens de Gérard Majax, quand j’étais enfant. Il y avait aussi un illusionniste avec de gros yeux qui faisaient peur. Impossible de le retrouver aujourd’hui tant son nom de famille est devenu banal. Il s’appelait Web. Mais j’ai tout autant oublié l’orthographe de son nom que son prénom lui-même, si tant est qu’il en avait un. Macron est de ceux-là. Publicitaire dans l’âme, n’importe quoi pourvu que ça mousse, son absence de promesses le fera aller loin. Tout est dans l’emballage, à croire qu’il aurait lu Guy Debord ou sa version plus policée chez Baudrillard. Ou Lipovetski peut-être ? Toujours est-il qu’il vend du vide merveilleusement. Je le vois bien en patron d’un supermarché où l’on trouverait sur différentes étagères des bouteilles, à la segmentation sophistiquée, emballages plastiques, ou verre consigné, cartons Tetrapak™ recyclés, et le tout pour vendre de l’air. Car un jour de science-fiction à venir, des crétins enthousiastes seront ravis de payer pour l’air, un air plus pur, un air des montagnes, un air de Mars ou d’une autre planète à l’atmosphère Quai des Brumes, un air d’Auvergne ou du Pays Basque, un air iodé de l’Île de Ré, un air payant en somme. Parfois, il faut payer. J’ai jeté un œil à son programme. Me suis aperçu que ma vue baissait. C’était presque un réconfort.

Mes étudiants enfants-roi ont parfois des lueurs d’espoir. L’un d’entre-eux m’a remercié pour les coups de pieds au cul. Un autre m’a écrit d’Afrique où il gère une entreprise avec mélancolie. Il m’a demandé un peu de nourriture, je lui ai proposé de lire Conrad. D’autres sont venus me parler politique à la fin des cours. Ils étaient peu nombreux, mais c’était une lueur d’espoir. Des fils à papa sont rentrés chez eux, pour manger devant la télévision. On a parlé politique. L’avis du prof vaut l’avis de l’étudiant. La grande égalité a quelque chose de frustrant mais je ne fais pas le malin : moi aussi je rêvais de cela au même âge, du temps où l’on pouvait rire avec Arlette Laguiller.

J’ai fait du vélo avec un entrepreneur capitaliste vendredi dernier. Il m’a dit que l’impôt sur la fortune était contre-productif et qu’il en avait marre. J’ai fait du vélo dimanche avec un italien qui cherche des crédits publics en France pour mieux comprendre l’art au moyen-âge. Des collèges économistes me parlent de croissance durable en me regardant rire en finissant les desserts préfabriqués du Restaurant Universitaire où les cuistots qui nous servent ont l’air heureux. Et puis hier après-midi, j’ai réparé le lave-linge en oubliant de rallumer l’eau - comme si l’on pouvait rallumer l’eau - et j’ai retourné la terre du potager. Elle n’avait jamais été si belle et facile à retourner. L’hiver clément et l’air doux du printemps lui donnaient une odeur suave sous le cerisier en fleurs. Les enfants préparaient un gâteau. La grande m’a parlé d’un Sac de billes. Nous avons espéré que l’histoire nous apprenne quelque chose. Puis l’on a regardé des vidéos de milliers de tonnes de poissons morts en Amérique du Sud. Le petit m’a demandé : « Trump, ça va durer longtemps ? ».

D’autres amis m’ont avoué qu’ils voteraient blanc, leur GPS électoral les ayant amené à cette conclusion en forme de voix sans issue. Et je pèse mon X. J’ai répondu ce que répondent les gens : une voix de plus pour Le Pen. Et l’on a parlé des législatives.

Pour ma part, j’ai pensé aux poivrons qu’il faut planter, à la mauvaise idée d’acheter des cloches en plastique pour protéger mes plantations avant mai, et surtout, à l’idée de savourer le désir qui dure, celui d’arriver à l’été, d’avoir passé l’hiver vivant, de regarder les enfants grandir et de les savoir heureux, de chercher encore des choses à faire avec des gens qui prendraient leur temps.