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Un programme présidentiel : des excuses

lundi 13 mars 2017, par Grosse Fatigue

Un programme politique.

Moi - oui, « moi » - en matière de programme politique à la présidentielle de la France, mon pays, eh bien : je sais dorénavant ce que je veux. Autant dire qu’aucun des crétins postulants n’a compris ce qui me ferait plaisir, il est donc quasi-certain que j’irais, au second tour, voter pour éviter la peste brune repeinte à la chantilly-bouillabaisse des prolos en pavillons à taux fixes… Non, personne n’a compris ce qui me ferait plaisir pour « la France », ou du moins pour les villes que je fréquente, les lieux que j’habite, les trains que j’occupe, la musique que j’entends et, pire, ce que je vois tous les jours. Je voudrais juste que les gens qui ont pris des décisions depuis ma naissance puissent, enfin, non seulement s’excuser, mais aussi remettre les choses en ordre, parce que je trouve que tout est presque moche ou que presque tout est moche.

Dans l’ordre, il faut commencer par les urbanistes et les architectes. Je voudrais qu’on leur interdise d’exercer. Ça n’est pas compliqué : interdiction d’afficher, loi du XIXème siècle, bien en gros sur certains murs à Paris. Eh bien là, on interdirait de construire dans les champs de pissenlits les promesses creuses d’un habitat « raisonné » à coup de technologies ou d’innovation. Il y a mieux à faire : des bâtisses dans la Creuse mériteraient de sortir de leur isolement.

Mais ce n’est qu’un début. J’aimerais que les promoteurs rendent l’argent. Car tout est laid, mais vraiment tout ou presque. Les pavillons et les maisons Phénix™, les meubles Conforama™ et les meubles Ikéa™, tout ce qui n’est pas sorti de la main d’un vieil artisan et d’un vieux savoir-faire et bien c’est très simple et ça porte un nom : le confort pratique, le confort moderne. Je propose que l’on s’excuse du confort moderne. Je veux bien que l’on conserve les machines à laver, les lave-vaisselles et ces choses qui nous permettent d’écouter Bach en lisant un bon livre, mais franchement, si l’on pouvait raser l’ensemble des zones pavillonnaires, ces zones contaminées depuis les années soixante à cause du modèle américain et de l’accession à la propriété : ce serait un bon programme.

J’entends les gens me dire « Mais quand même ! Et la classe moyenne ? » Eh bien la classe moyenne, c’est aussi celle qui pourrit le monde en imitant l’élite, les gros bourgeois et leurs grosses bagnoles. La classe moyenne engraisse les retraites des investisseurs, en louant des appartements dans des résidences où trônent des écrans plasma. La classe moyenne est un artifice depuis De Gaulle, une invention dans l’échelle sociale, un échelon pas indispensable. Et puis, surtout : la classe moyenne a mauvais goût. Ignorant les traditions populaires et les vieux savoir-faire, elle se meuble en pin, roule à crédit tous les cinq ans, et se croit obligée d’emmener ses affreux enfants idiots à Disneyland™ pour leur faire plaisir. Il faut conchier la classe moyenne et ses deux extrémités, qui, dans son ensemble, pense mal. Bien sûr, les enfants de la classe moyenne vont à l’université depuis qu’on leur a donné le bac qui ne vaut rien, sauf si c’est le bac des enfants de la grande bourgeoisie, ces enfants de salauds qui savent depuis toujours ce que parler veut dire. Il faudrait qu’ils s’excusent aussi au lieu de voter Macron avant de retourner à Courchevel.

Il ne faut rien pardonner aux philosophes de gauche. Et encore moins aux penseurs de droite. Que les survivants passent un an aux frais du contribuable dans un Formule Un à Maubeuge. Après, on verra.

J’aimerais que les prolos s’excusent aussi. Je sais bien qu’ils vivent en pavillons et que c’est un sacré progrès mais beaucoup d’entre-eux ont succombé aux fast-food et à la merde, bref, à l’Amérique dans sa version grand public et franchement, si mon père voyait ça, j’imagine le pire. Autrefois, les ouvriers de droite avaient du savoir-faire, les ouvriers de gauche des idées. Les ouvriers avaient de l’élégance ma bonne dame, et si je tenais le coupable qui les habille chez Décathlon™, je…

Je voudrais que les patrons français s’excusent de tout, même s’ils sont étrangers à cause des marchés de capitaux et que l’on peut être fier que Carrefour™ soit présent dans tant de pays avec autant de rayons yaourts et fromages. Parce que franchement, j’aimerais bien qu’on ferme les grandes surfaces, que Michel-Edouard Leclerc se mette à la bande-dessinée pour toujours, et que les millionnaires qui dirigent les caissières de ses enseignes puissent un jour savourer autre chose qu’une croissance sans inflation. Les petits artisans pourraient aussi s’excuser d’en profiter parce qu’on les taxe trop, et les restaurateurs ne pourraient plus rien restaurer sans un CAP cuisine pour de vrai.

Je propose aussi que les programmateurs de France-Inter soient expulsés du pays afin d’écouter ailleurs ce qui pourrait être de la musique, même sur des gammes mineures à trois tons inventées pour eux en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ce serait toujours mieux que la dernière découverte binaire underground mon cul d’Angleterre ou le prochain chanteur français hermaphrodite me dîtes-vous, chantant la gloire de sa minorité à saluer, en poussant des cris sans réverbération. Oui, en finir avec les programmateurs, les DJ, les usurpateurs, les experts.

J’aimerais que la SNCF s’excuse chaque jour quand le contrôleur vient vérifier mon billet, en raison des TER en retard chaque jour, des TER annulés chaque jour, de la priorité aux TGV donc aux Parisiens chaque jour, et de l’allongement des dessertes pour plaire aux petits maires accueillant avec enthousiasme quelques crétins pavillonnaires : chaque jour.

Je voudrais aussi que l’on rase les zones commerciales, que l’on transforme toutes les autoroutes en pistes cyclables et monotones, que l’on subventionne le cycle français et pas du tout le diesel, que les religieux soient obligés de marier leurs filles à d’autres religieux d’autres religions et que ce beau monde s’excuse de dire n’importe quoi depuis trop longtemps. Je voudrais aussi que les tagueurs prennent des cours de dessin un jour, parce que ça pourrait servir et pas forcément pour dessiner mieux, juste pour le respect.

Si les hommes politiques pouvaient aussi s’excuser des certitudes qu’ils font peser sur nous les gens, en maintenant des centrales nucléaires comme on jouerait à la roulette russe. Je reste persuadé que l’une de nos centrales va péter dans les cinq ans à venir et j’espère que ce sera outre-mer, même si, outre-mer, eh bien, il n’y a rien, ni personne, et surtout plus à Mururoa. Dans le même genre, j’aimerais que Fillon s’excuse d’aimer les voitures de course, les costards en général et une bonne femme incapable de se défendre elle-même à l’époque où les féministes n’ont plus rien à envier aux plus machos des connards.

Je propose que les ingénieurs dans l’automobile prennent le train, et que les ingénieurs du train prennent aussi le train, pour voir.

J’envisage une révolution culturelle pour les Parisiens : remplacés par des cul-terreux tous les cinq ans, migration aux champs sans pesticide. T’en veux du bio ? On a besoin de main-d’œuvre à la campagne. Jack Lang pourrait devenir fermier et se taire pour toujours, on laisserait l’Institut du monde Arabe à un gars qui s’y connaît. Kamel Daoud par exemple....

J’aimerais que les jeunes comprennent que je serais toujours plus jeune qu’eux même si je n’ai pas besoin pour cela d’un tatouage sur la bite représentant la bite d’un autre car je me trouve bien moi-même, et que ma bite m’aime toujours, malgré les incertitudes dans ce genre de roman d’amour. Et j’aimerais que les prêtres en tous genres finissent par se taire à propos d’amour, d’enfants et de famille parce que même quand on a connu tout cela, il est difficile de s’y retrouver.

Je voterai je l’espère pour un programme contre, un programme de ce genre, parce que j’en ai marre d’être obligé de tolérer le pire en permanence, au nom de la tolérance, et pas au nom de la beauté, de la vie, de la nature, ou du jazz. Par exemple et entre autres.