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Trump

mercredi 16 novembre 2016, par Grosse Fatigue

Tout le monde s’étonne parce que tout le monde croit à quelque chose. Une collègue m’envoie un SMS dans lequel elle me trouve lucide. Hier soir, j’étais persuadé que Trump allait gagner. Je ne crois en rien. L’Italie a eu Berlusconi et les gens ont aimé ça. La France a eu Sarkozy et les gens ont aimé ça. La Hongrie a Orbàn et les gens aiment ça. Nous aurons un jour ou l’autre Marine Le Pen et les gens aimeront cela.

Arrêtons avec la stupéfaction. La majorité des Américains aime rouler en 4X4, la majorité des Américains aime le confort démentiel de la climatisation, la majorité des Américains bouffe de la merde qui s’exporte parfaitement, et il n’est pas rare, quand je passe devant le McDo vers dix-sept heures, de voir de jeunes français avaler des hamburgers à toute heure. Les Américains bénéficient d’un système éducatif lamentable. On le copie allègrement. Les favorisés feront tout pour éloigner leurs enfants des défavorisés. 25000 dollars aux States. Bientôt la même chose ici. La technologie nous sauvera et les enfants de primaire apprendront grâce aux tablettes digitales : Hollande a des idées américaines. Mes enfants rêvent d’Amérique. Leurs héros sont super-américains. Leur musique est rappée par des Américains. New-York city est une vitrine trompeuse. Les bouseux y sont rares, les Américains aussi.

Rendez-nous du jazz, et Philip Roth. Ellroy sans les idées.

Les Américains détestent les femmes, et les femmes américaines détestent les hommes. C’est la guerre générale. Et god que l’on truste. Et les femmes américaines aiment les machos : parce que quand elles aiment les machos, c’est qu’elles ne sont pas assez éduquées, c’est qu’elles n’ont pas le choix, c’est Kim Bassinger dans un mobil home. Le manque d’éducation est un marché immense, qui donne aux Ch’tis des ailes pour aller à Las Vegas et aux Marseillais de quoi se croire en haut de l’affiche.

Tout est permis.

Ne pas s’étonner.

En arriver là, c’est avoir pris le chemin qu’il fallait. Les élites mondialisées ne voient pas leurs voisins. Aux Etats-Unis, elles paient à leurs enfants des écoles privées. Les écoles publiques sont des dépotoirs. Nous y venons. On y parle de "minorités" : nous aussi. On encense les "communautés" : nous aussi. Des chroniqueurs fascistes passent à la télévision : chez nous aussi. Depuis soixante-dix ans, nous n’avons aucune idée nouvelle, à part celle de l’impuissance. Tenez : Macron. Ah ah ah ! Aucune idée nouvelle qui ne viendrait d’Outre-Atlantique. Rien. Pas un homme politique pour ne pas encenser les Primaires de la droite - une idée américaine - où sept clones nous font croire à leurs personnalités si éblouissantes pour sauver madame Michu du chômage de son fils...

Elle est loin la décroissance. Il faudra attendre la fin du pétrole pour nous voir mourir avec eux, sur des sièges en cuir ou des banquettes en sky. L’écologie n’est une priorité pour personne. J’emmène le petit à l’école à pied malgré la pluie, par conviction. Nous n’avions jamais remarqué que sur ce parcours d’un kilomètre deux-cents, l’odeur de diesel régnait en maître avant neuf heures du matin.

A l’école du petit, les parents attentifs demandent aux instituteurs de ne rien imposer aux enfants. Pas de devoir, pas de par cœur, surtout s’amuser, surtout s’épanouir, surtout : rien. C’est la garderie. Plus tard, des smartphones prendront soin des adultes qu’ils seront devenus : beaucoup d’informations pour du mauvais traitement.

Hier soir au conservatoire, un gamin de six ans jouait avec le portable de son père, assis à mes côtés, un truc à 600 Euros, pas loin de 4000 francs voyez-vous, et son père avait l’air fier de fabriquer un crétin pour demain. Et nous sommes au Conservatoire, donc chez les privilégiés qui, à défaut d’aimer la musique, ont compris que c’était un lieu calme où leurs enfants pouvaient participer à l’élevage du bon élève en batterie. Un vrai président de la République devrait rendre la musique obligatoire dès la maternelle.

Parlons dans le vide. Tu m’entends Macron ?

4000 francs en chiffres. Tu te souviens toi qui a mon âge, de ce que c’était, 4000 balles ? Pour qu’un gamin joue au flipper sur une machine plus puissante que tous les ordinateurs au monde quand tu avais son âge ? Te rends-tu compte ? 4000 francs ! Le salaire de mon père pendant des générations de pères dans son genre... 4000 francs, de quoi voir La maison bleue du temps où.

Alors Trump, Zemmour ou Marine Le Pen, allons donc. La vulgarité l’emportera toujours, qu’elle soit coiffée de dorures dans les palaces kitsch d’Atlantic-City, ou vernie de références historiques savantes où l’on mélangera Voltaire et Maurras car après tout, qui saurait faire la différence quand on maîtrise seulement le langage SMS ?

S’attendre au pire, se cacher, voilà. Mais ne pas s’étonner, non, ne pas s’étonner.