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La vie ne dure qu’une fois.

jeudi 6 octobre 2016, par Grosse Fatigue

Parfois nous regardons les nouvelles à la télévision, en famille, en mangeant des pâtes. Contrairement à ce que j’ai moi-même vécu en mangeant des pâtes et en regardant la télévision en famille, quand j’étais l’enfant, quand nous regardons la télévision en famille avec mes enfants, il n’y a pas de télévision.

C’est sur cet écran-là que nous visionnons le Vingt Heures de David Pujadas. Et c’est beaucoup moins bien. La "box" plante et l’on pousse des "oh" d’indignation, ou des "ah" quand ça revient, et que le tout a sauté sur une chaîne humoristique turque influences bavaroires, Borat, reviens !

C’est beaucoup moins bien que sur le Grunding™ de mes parents, avec ses faux coins plats, sa télécommande énorme, et pas le droit de parler ou de poser des questions. Mes parents et moi, nous n’avions rien à nous dire.

Le petit me demande à la fin du repas, après avoir vu des enfants syriens morts comme Syriens n’étaient, le petit me dit : "Et toi, t’as peur de la mort ?". C’est une bonne question quand on vient d’avoir huit ans.

Le lendemain, c’est un chanteur Rwandais qui nous raconte comment des hommes sont venus assassiner en direct sa famille et qu’il a pu s’échapper et continuer à vivre. Là, silence. On se regarde tous les cinq, s’estimant presque heureux.

Car c’est à cela que sert la télévision : s’estimer heureux. Il y a toujours pire, et c’est ainsi que l’on vit heureux en attendant la mort Pierre.

C’est ce que je voulais dire au petit avec sa question de grand. Mais j’ai juste répondu que je n’ai pas peur de la mort, pas même de la souffrance, tant que ce sont ma mort et mes souffrances, je m’en sortirais bien. Mais la mort des autres, la mort de mes enfants, c’est une autre affaire. Puis l’on a reparlé de Blade Runner, parce qu’il a eu peur, à cause de la mise en scène, même si le méchant n’était au fond qu’un enfant qui voulait vivre encore un peu. C’est à cause de ça que l’on a parlé de la mort, ça me revient maintenant. C’est grâce à Philipp K. Dick que l’on a pu philosopher lui et moi sur la jeunesse et la mort, sur le droit à la vie, sur la manière de bien vieillir.

Puis ce soir en rentrant d’un concert de gamins de 17 ans avec le grand qui ne les a pas encore. Je lui dis et toi, tu attends quoi pour être à leur place ? Il attend. Il attend.

Il n’attend rien.

En passant devant deux prostituées du Rwanda, du Togo ou de Sierra Léone qui nous saluent, je lui redis de ne pas attendre. On n’a qu’une fois seize ans.

On n’est qu’une fois vivant.

La vie ne dure qu’une fois.