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Confusion

lundi 11 avril 2016, par Grosse Fatigue

Une charmante lectrice me rappelle à l’ordre "Oh, Fatigue, tu écris n’importe quoi ces temps-ci, disons surtout quand t’écris parce que t’écris plus beaucoup, et c’est un peu tordu ce que tu racontes, on comprend pas grand-chose, tu sautes beaucoup du coq-à-l’âne, qu’est-ce qui t’arrive bon sang ?"

Oui sans doute.

Il faut dire encore une fois que tout a été dit depuis Platon et la Caverne, depuis Lascaux et la Grotte. Depuis que le Général de Gaulle est mort. Et encore, je ne parle que de littérature.

Mais il est vrai que j’ai l’impression que le monde aurait pu s’endormir cent ans dès 1983 quand Fabius est venu nous jouer la rigueur et que Dépêche Mode, cette contrepétrie anglaise a osé nous imposer un avenir moins encourageant. Il me semble j’assume que les années quatre-vingt ont marqué la fin des haricots et qu’une vie entière n’aurait pas suffi de toutes façons pour connaître la beauté du monde et tout l’art produit jusque-là, et je ne suis pas bien sûr que l’art produit depuis 1983 mérite autant d’attention. Ça y est :

J’ai basculé dans la vieillesse.

Oh bien sûr, il y a du réchauffé. Mais franchement, quand on sait que l’époque est à Patrick Bruel le chanteur récupérant Barbara, franchement, qu’a-t-on inventé de mieux depuis les hypermarchés Leclerc pour rendre les gens plus heureux ?

Me voilà confus.

Tenez : quand on sait que le tatouage serait un art. Que les graffitis en seraient aussi.

Ah non. Pas les graffitis.

Alors le tatouage peut-être.

On attendra la réincarnation.

Ou le cancer de la peau.

Oui, je suis de plus en plus confus. C’est la désocialisation à vrai dire. Je me parle de plus en plus fort à moi-même, avec l’excuse que la chatte grise m’attend sur la terrasse encombrée de chaises où plus personne ne vient s’asseoir. Je me parle car la chatte ne comprend rien, mais je ne suis pas le seul à m’imaginer ainsi, il suffit de voir ces gens qui parlent seuls à leurs téléphones dans la rue. Je cherche un coin tranquille, ou bien faire le tour de France à vélo, retrouver les routes perdues, ou les bretelles fermées, voire même mieux les platanes du midi et les terrasses comme autrefois, quand je mesurais un mètre vingt, comme Jude Law dans Bienvenue à Gattaca à la télévision hier soir. J’irais bien quelque part en R16 ou en DS décapotable. Ou alors rester chez moi à discuter avec mon père mort devant une bonne bouteille de rouge, plutôt un Bourgogne parce que mon père était rustique.

On parlerait de sa guerre mais pas du gouvernement, ni même du travail ou de la politique. Il manque quelque chose à la sauce. Tout est confus et pourtant, Romain Gary : je fais de mon mieux.

Dehors le paysage défile. Des champs de colza à perte de vue. Le jaune prolifère en lisière des villes, ça doit être rudement rentable comme couleur. On a beau dire aux gens que tout est moche, ils vivent quand même dans des pavillons et pire : j’en ai vu avec des climatiseurs à l’extérieur ! Mais voilà donc encore une raison d’être confus : je ne comprends pas pourquoi les gens n’écoutent plus personne, je devrais peut-être me taire ou attendre un peu, que ça revienne ?