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La fin de l’exception culturelle : le mythe de la salope

vendredi 22 janvier 2016, par Grosse Fatigue

Des filles m’écrivent. Je ne sais pas comment elles ont eu mon adresse, ni mon téléphone, quoique, vraisemblablement, elles ne l’ont pas. Mon email doit traîner quelque part, comme par magie.

Sur Facebook, une fille étrange a voulu devenir l’ami de mon faux profil, le profil gauche. J’ai laissé faire pour voir, pour observer. Comme il n’y a plus d’insecte dans les bois, je regarde sur le plat de l’écran ce que font les gens. Un jour, cette fille me demande si j’ai bien dormi. Mais qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre ?

Elle a insisté. Elle écrivait bizarrement, parfois en bon français de France, parfois en catastrophe. J’ai compris l’arnaque. J’ai continué pour voir. Elle m’a demandé si j’avais Skype. J’ai répondu : "Pour quoi faire ?" Elle voulait que l’on se voit. Je me suis contenté d’une description peu flatteuse : la cinquantaine, gras du bide et chauve, mauvaises dents et mauvaise haleine, une tendance à la mélancolie et une évidente propension au pessimisme, reflet inversé d’une certaine forme, hélas, de pragmatisme. Rien n’y fît. Elle répondit dans un sabir délirant qu’elle aimait les chauves, les gros et les gras, et tout ça. Je ne doutais plus : c’était sans doute un piège. Elle insista. J’avais entendu parler de ces types qui se déshabillent sur Skype et que l’on fait chanter par la suite en les montrant tout nus. Je lui ai donc souhaité bon courage dans l’arnaque, il faut bien manger sa croûte. J’ai continué à chanter sans elle - c’était peut-être un garçon d’ailleurs, à cause de l’accent - et je ne sais pas si j’ai bien fait. Mais j’insiste : je chante en vrai, pas la peine de me pousser. Et puis, je n’ai pas un rond de côté.

Tous les jours, des nanas magnifiques très formatées s’exhibent de la même manière. Par exemple, j’ai découvert Samantha Hoopes. Sur son profil Facebook™, elle apparaît tous les jours en maillot de bain. Ses seins sont chaque jour de plus en plus gros. Et elle a vraiment l’air d’une idiote. C’est dommage. Je me suis désabonné en lui conseillant de lire Nietzsche, juste pour la frime.

Il semblerait que l’image de la salope, de par sa propagation universelle et donc sa standardisation va en disparaissant. C’est fini : c’est normal. L’une de mes étudiantes à bac+5 s’exhibe en cours. Elle a des nœuds tatoués sur les cuisses. Et elle en est fière. Je m’attends d’un jour à l’autre à voir sa photographie publiée dans mes emails, et j’imagine qu’un ordinateur muni d’un GPS me la présentera comme une proie facile, habitant à moins de cinq kilomètres de mon incertaine solitude. Etrange dissolution de l’exception culturelle qui faisait de la salope la femme dont on rêvait mais pas pour de vrai. Elles sont maintenant fabriquées à la chaîne et je ne sais pas encore pourquoi. Je croyais que l’on allait vers le mieux.

J’ai peur pour mes filles. Je vais veiller au grain. Le grain : comme pour les tempêtes en mer.