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Janis et deux David

jeudi 7 janvier 2016, par Grosse Fatigue

Avec une amie nous sommes allés voir le documentaire sur Janis Joplin. J’ai dormi au début j’étais fatigué à cause des allers et des retours en train tous les jours tous les matins, et là au cinéma mon corps s’est cru dans le train et je me suis assoupi en écoutant l’accent texan de cette blanche étrange qui criait du blues parce qu’il fallait le crier : elle n’aurait que peu de temps.

J’ai finalement repris mes esprits emportés par la folie de Janis Joplin, elle est morte j’avais quatre ans je ne savais rien de l’héroïne, je veux dire la drogue, ni de l’héroïne, je veux dire Joplin, je n’ai appris son nom que dans la chanson de Gainsbourg soufflée par Birkin Brian Jones et Jimi Hendrix disparus. Je dis tout cela en un souffle parce qu’après on était censé regarder un documentaire à la télé sur Bowie que l’on a remplacé par Boulez, plus dur, compliqué, plus balèze quoique je n’en sois pas sûr, on a divergé et vu Comfortably Numb avec Bowie et l’autre David, Gilmour, les deux David de mon adolescence, ceux que j’aurais voulu être. En disant ça à Cécile qui m’hébergeait, elle me dit : Et pourquoi tu n’es pas devenu ça ? Et je n’ai pas su quoi répondre, j’imagine que la nature donne du génie comme elle donne des filons dans les montagnes et que rares sont les pépites et que les silex n’ont pas à s’en plaindre, les galets non plus, il faut bien contraster la photo, la faire monter en température, lui donner du grain. On a regardé le dernier clip de Bowie et j’ai cru y voir comme des relents d’Ashes to Ashes, ce qui était prometteur, mais je n’ose m’avancer. De même que je pensais à Adèle, celle de vingt et un ans, en écoutant Janis Joplin, et là je me disais que le commerce est une belle saloperie quand il ose anticiper les talents et les prendre en charge, comme qui dirait les développer. Adèle c’est très propre très poli très rond, trop de ventre et pas de tripes c’est fini.

J’étais content de revoir les années soixante et mes sœurs dans leurs fringues et leurs coupes de cheveux, je me souviens du Super 8 et des couleurs jaunies et du rouge Kodak™. Il me semble qu’à l’époque, la caste commerciale avait encore des progrès à faire et que les gens s’habillaient un peu n’importe comment avec du orange dedans et des sous-pulls en tergal, couleur menthe à l’eau et col roulé. C’était mon cas en sixième mais Janis Joplin était morte l’année d’avant.

Et puis quand même, en sortant du cinéma, sur la grande place de la ville près du commissariat, j’ai repensé à cette génération d’Américains pleine de liberté et d’extase, et je me suis demandé d’où sortait Donald Trump ou mes ex-beaux-parents, qui ont tous l’âge de Mick Jagger. Comme quoi il ne vaut mieux pas réfléchir en terme de génération, parce qu’il y a peut-être de l’espoir de voir un jour à nouveau un élan de la jeunesse, une autre jeunesse, moins mouton, moins tatouée, moins abattoir. Mais je m’avance et je me reprendrais bien un bon gros solo de guitare, Jeff Becks’il vous plaît, un solo plein d’amour. Ça manque un peu de nos jours.

Ça manque un peu.