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De la naïveté

lundi 21 décembre 2015, par Grosse Fatigue

J’ai toujours cru que je n’avais rien de naïf, qu’on n’allait pas me la faire. J’ai aussi toujours cru que l’on pouvait convaincre les gens de la vérité, une vérité simple, les faits. J’ai cru que la littérature était imagination. J’ai cru que la réalité n’avait pas d’importance. J’ai accepté de me contredire. J’essaye de faire le point. Et comme je fais aussi beaucoup de photographie, j’avoue que la profondeur de champ est de plus en plus restreinte. Il y va de ma vie dans quelques jours. Ma vie est dans les mains d’une femme d’une trentaine d’années, qui doit statuer sur mon droit à élever mes enfants une semaine sur deux ou, au contraire, au fait qu’il faille m’en séparer parce que leur mère, qui m’a quitté pour un fou, serait mieux à même après trois déménagements en six mois, de s’occuper d’eux.

Merde, c’est dingue.

Je suis naïf. J’ai contacté ses amis à elles. J’ai voulu leur dire la folie. Mais je suis peu crédible. Ils sont loin, et c’est leur amie. L’un d’eux m’a même dit qu’il était normal que j’ai mes enfants un week-end sur deux et rien d’autre : c’était son cas à lui.

Je tombe des nues.

Le sens de la justice n’a rien d’universel. Quel naïf !

Un ami à moi a vécu cela. Il porte le même prénom que son ami à elle, vient de la même ville et du même quartier, et vote à gauche de la même manière. Autant dire que je ne crois plus à une quelconque sociologie. Cet ami à moi a vécu cela et même pire. La mère de ses enfants a appelé les gendarmes - mante religieuse - pour le faire arrêter pour violences....

La réalité dépasse la fiction. J’en parle à un ami, qui nous connaît. Le bénéfice de l’âge nous permet de ratisser large : il me raconte les aventures d’autres couples d’amis, des histoires similaires, des histoires sordides. Et comme il ne croit pas plus que moi à la psychanalyse, il me donne une méthode, bien loin des douze étapes de la technique américaine. Il me dit : "Considère qu’elle est morte, à l’intérieur. Reste l’enveloppe. Mais l’enveloppe, c’est du vent."

J’ai voulu sa mort pendant la période de colère. Et puis là, je ne sais plus. Je crois que je veux la paix, la distance. Je lui ai demandé à elle de mettre de l’eau dans son vin. C’était bien. Elle a même pleuré dans mes bras à ce moment-là, pour, quatre jours plus tard, chercher six témoignages en sa faveur, trois jours avant de passer devant le juge. Je voulais laisser les gens en-dehors de tout cela. Il a fallu appeler tout le monde, j’avais honte.

On ne nous apprend pas à se méfier de tout. Mais vraiment pas. Et c’est là que je voulais en venir. Que vais-je dire aux enfants ? A propos d’amour par exemple ? Que vais-je leur raconter ? Et par où commencer ? Quels conseils ? Des poèmes pour les nourrir d’illusions ? Là, je ne sais plus. Cet après-midi, nous allons faire des macarons. Le petit est couché. Il a vomi trois litres de bile. Il est couché et a mal au ventre. A trois heures du matin, quand je lavais ses cheveux, je me disais que j’étais un bon père. Je me le répète assez souvent pour m’en persuader parce que j’ai quand même des doutes.

Il fait chaud, c’est bientôt Noël. De l’histoire, nous n’apprenons rien. De notre histoire, nous n’apprenons rien. Des histoires des autres, nous n’avons rien retenu. Il reste en nous quelque chose de trouble et d’effrayant. J’espère faire de mon mieux.