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Entre deux totalitarismes

mardi 8 décembre 2015, par Grosse Fatigue

A quelques semaines près, deux totalitarismes se répondent en chœur. Tout cela est en germe depuis les années quatre-vingt, peut-être avant. Je reste persuadé que la gauche intellectuelle y est pour beaucoup, en prônant un relativisme américain de mauvais aloi. La rupture avec les Lumières est évidente : en jetant Jules Ferry avec l’eau du bain anti-colonial, on a jeté la possibilité du mélange à la française, et l’on savoure aujourd’hui le communautarisme merdique du respect-de-la-culture-de-l’autre... Je me souviens des débats en licence de sociologie où nous autres les médiocres entendions pérorer nos ethnologues sur le respect qu’il fallait porter aux cultures, toutes les cultures, quitte à accepter l’excision et autres saloperies dans un devoir absurde de non-ingérence. La fin de l’universalisme qui faisait de notre philosophie quelque chose de fondamentalement bon, a ouvert la porte au relativisme le plus abject, et l’on voit aujourd’hui le combat perdu pour les prolos d’autrefois se muer en un combat pour le respect, par exemple, des femmes voilées, à condition qu’elles ne soient pas catholiques.

Ces prolos-là savent pour qui voter aujourd’hui....

Deux poids deux mesures, auxquelles l’extrême-droite franchouillarde répond par l’inverse : respectons la femme voilée catholique en lui permettant, quitte à la forcer, de faire des tas d’enfants par planning familial fermé interposé. Le combat des franchouillards de souche est l’équivalent du combat islamiste : faire des enfants pour faire la guerre, occuper le terrain, s’entretuer. C’est en Syrie que l’on doit applaudir des deux mains les délaissés de la gauche qui ont voté massivement pour ceux et celles "qu’on n’a pas encore essayés" tant il est vrai que l’on a tout essayé, et en particulier la même politique ou presque d’une classe du même nom particulièrement sclérosée depuis qu’elle se forme au même jeu de la même école....

Le manque d’imagination a cédé le pas à l’impératif commercial, et l’on vend à l’Arabie Saoudite tout en lui concédant son poids en imams pas bien démocratiques (SIC) si je ne m’abuse. Considérer les immigrés dans leur ontologie première (putain de gros mot), c’était, en fait, une attitude d’extrême-droite que la gauche a su inverser.... Dire aux Arabes, aux Africains, et au monde entier que l’on respecterait leur culture d’origine, quitte à la réduire à une pratique religieuse, c’était, à droite, s’en laver les mains en espérant que ce petit monde repartirait un jour, sait-on jamais, et, à gauche, jouer le jeu de la démagogie, en misant sur le droit de vote aux élections locales, je te donnerai un local, tu y feras ce que tu voudras...

Je me souviens d’Aïcha qui en avait marre qu’on lui demande d’où elle venait à la fac, elle voulait juste finir médecine tranquillement. Et elle était loin d’être la seule.

Le relativisme culturel est un produit d’importation et nous avions honte à l’époque de parler d’assimilation, tant l’idée semblait libérale, irréaliste, et surtout presque fasciste : proposer aux autres de devenir comme la plupart des gens, et de jeter les oripeaux qui nous avaient nous-mêmes fait sortir des églises aujourd’hui vides, cela aurait été bien hypocrite, n’est-ce pas ?

Même les anars avaient tendance à voir dans les cultures du tiers-monde (un mot fort à cette époque), comme un esprit de rébellion naturellement anti-capitaliste....

La gauche confondait dans sa candeur la philosophie des Lumières et le capitalisme, qu’elle appelait d’un seul mot - quelque chose comme "libéralisme" ou "ultra-libéralisme" - sans voir que le libéralisme américain se satisfaisait à outrance d’un communautarisme croissant, et sans espoir, qui visait tout bêtement à remplacer l’apartheid légal qui avait pris fin avec la lutte pour les droits civiques. Il n’y a aux Etats-Unis absolument personne pour réclamer une partouze géante du melting-pot, qui donnerait quelque chose d’un Brésil septentrional à la limite. Il suffit de revoir Matrix pour comprendre le manque d’imagination à ce sujet.... Les Noirs eux-mêmes tiennent trop à leurs quotas pour laisser dire qu’ils seraient un peu métis, un peu mulâtres, voire même carrément blancs. Ce communautarisme arrange bien une économie en mal de débouchés, et un beau paquet de réactionnaires rêvant de traditions et d’héritages en perspectives. Beurk de beurk. Le pragmatisme et la gestion comptable ont remplacé ici-même l’idée un peu folle de l’universalisme qui avait fait, à qui mieux-mieux et souvent dans la douleur, des maçons portugais ou des mineurs italiens, de sacrés français antifascistes par nature, dont les petits-enfants votent parfois et trop souvent aujourd’hui pour qui vous savez...

J’appartiens à la gauche morte et souvent, ça fait chier.