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Eloge d’une certaine pourriture

lundi 23 novembre 2015, par Grosse Fatigue

Lundi matin les enfants à l’école. C’est finalement le seul amour possible. Autant on n’est pas obligé d’aimer ses parents, autant il me semble impensable de ne pas aimer ses enfants. Même si tout est possible.

Je rentre et je jette les épluchures sur mon tas de compost. Les cochons d’Inde gambadent dans le froid, ils ont l’air heureux. La lumière est parfaite et diffuse à souhait, et les enfants avant de partir ont savouré la pellicule de glace sur le trampoline. Ils ont cru y voir des promesses de neige, et ça n’est pas rien.

Le compost fume. Des fourmis-soldats ont pondu de drôles de larves, et les vers de terre partouzent dans l’indécence de leurs chairs roses. Je me demande si les Américains ne seraient pas opposés à ce type d’écologie pour ce genre de raisons. L’humidité ambiante nous prouve à quel point nous ne sommes pas d’ici. Nus comme des vers, nous ne tiendrions pas longtemps.

Le compost est déjà épais, enrichi du marc de café du troquet d’à-côté. La gérante me parle de choses et d’autres quand je passe, des migrants qui viennent de s’installer et dont on ne sait pas "ce que ça va donner". Le tas de compost est encore haut mais en mars prochain, il ne fera guère plus de trente centimètres. Il me faudrait beaucoup plus de voisins pour l’alimenter, et que chacun y mette du sien. Je n’ai pas le courage d’aller quémander. Mais j’aime cette pourriture pleine de promesses.

D’autres poussent la métaphore plus loin et voient dans la pourriture des comportements des promesses pour un autre avenir. J’avoue perdre toute certitude. Je viens de voir en ville la couverture d’"Eléments", ce torchon de la "Nouvelle-droite", avec en une le pauvre Onfray. Que fait-il dans cette galère ? En quoi la pourriture lui apporte-t-elle une quelconque consolation ? Pourquoi se fourvoyer avec des monstres pour en dénoncer d’autres ? Est-ce à cause de son père jardinier ? Faut-il lui rappeler que les braves gens qui dirigent cette revue ont une grande admiration pour un nombre considérable de gens ayant aimé l’oncle Adolf ?

Je retourne à mes cours. Des choses à préparer. Des choses à penser. L’hiver arrive. Un ami a bientôt cinquante ans. C’est presque la fin pour nous, il n’y a plus grand-chose à envisager, juste regarder et savourer. Vivement que les enfants rentrent de l’école.

Ils me raconteront de petites histoires, des choses naïves qui me tiennent debout, des choses encourageantes, avec l’enthousiasme et le sérieux de l’enfance. J’ai tant de regrets et si peu de place, parfois, qu’il vaut mieux laisser pourrir.