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A propos de James Bond
dimanche 22 novembre 2015, par
En sortant du dernier James Bond, le petit me dit que tout cela n’est guère réaliste. Il a enfin compris la réalité.
Alors quand on lui a dit pour le Bataclan, il n’a pas trouvé tout cela très réaliste, sauf quand on lui a dit que c’était la réalité.
Puis on a fait des crêpes. Des amis sont venus. On a regardé l’avenir avec un peu d’angoisse en buvant du cidre. J’ai parlé d’Elisabeth Badinter que je n’aime pas trop d’habitude, et puis d’un Anglais avec lequel je suis aussi d’accord. Le petit a pris trois crêpes au faux Nutella bio, il a comparé ses biceps avec un autre petit de son âge, puis il est parti jouer au ping-pong dans le salon pendant que les plus grands regardaient des youtubeurs en discutant.
Plus tard le petit m’a dit que j’étais trop poilu pour être James Bond, mais qu’il aimait bien ma barbe parce qu’elle était marrante, et qu’elle contenait des poils blancs. Avant de me coucher, j’ai vérifié que j’étais trop vieux pour être James Bond et trop français aussi.
Au lit, j’ai regardé James Bond face à Mathieu Amalric et ses yeux de manga japonais (SIC). Ce type a vraiment de trop grands yeux, c’est un peu bizarre. Et j’ai repensé à ce que m’a dit le petit. Le principe de réalité est sans doute le principe le moins suivi par l’espèce humaine. J’ai lu que Franzen en avait marre de la pseudo-lutte contre le changement climatique alors que l’on tue à côté de chez soi des tas de bestioles, et que personne n’est vraiment là pour donner l’exemple. Dans les James Bond, beaucoup de grosses voitures. Mais dans l’espèce humaine, pas beaucoup de principes de réalité.
Il semblerait que l’imagination dont on manque soit finalement la source de notre appétit. Il faut raconter des histoires aux enfants et des romans aux plus grands. Il faut s’inventer sa vie, imaginer mieux, plus, et surtout ailleurs. Je rêve d’être ailleurs et d’être quelqu’un d’autre très souvent. Cette volonté-là est parfois suffisante à la réalisation du départ. Je crois même que tomber amoureux c’est se raconter une histoire, que c’est presque génétiquement une maladie, du moins dans les pays qui permettent l’amour. Ailleurs, on se contente de la constipation.
Le petit ne sait pas encore qui est son père, comment il pense, comment il sombre, se relève, ni de quoi il parle aux gens, ni qui sont les femmes qu’il côtoient, ou celles qui viennent à la maison quand le petit est chez sa mère. Le petit ne sait rien et est vraiment très drôle, quand il croit que le père de l’un de ses copains est l’un des parrains de la mafia, alors que c’est juste un vrai cas social pas bien méchant. Contrairement à James Bond, le petit a compris que ça n’existe pas. Que les gens ont été tués facilement à Paris parce qu’il n’y a jamais de James Bond. Il n’y a jamais rien que des gens qui parfois s’entraident ou se font confiance, des papas et des mamans qui aiment leurs enfants, des choses très simples dont on ne fait pas les films de super-héros. Il y a des gens courageux et des gens qui n’en peuvent plus. Mais pour James Bond, il n’y a rien de réaliste, juste de quoi nous tenir en haleine, pour nous faire oublier.