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Il y a un soldat en chacun de nous

dimanche 15 novembre 2015, par Grosse Fatigue

13 novembre 2015 :

En voulant regarder un film poétique sur Youtube, je suis contraint de voir une publicité incompréhensible. Sachant que je suis en réunion de travail avec des collègues (SIC) qui, comme moi, font autre chose que d’écouter des acronymes énoncés par un autre prof, j’ai coupé le son. Je fais donc face à un écran et à une vidéo où je vois un gros type frustré ressemblant à un Américain moyen (SIC), joufflu, ventru, ridicule, bref, américain, et que ce type frustré, serial-killer, raciste, fasciste, etc, est drôlement content de pouvoir courir dans un endroit immonde avec une arme gigantesque compensant ses attributs - peu importe lesquels - ses attributs, mais lesquels ?

Pourquoi dois-je voir cela ?

Un jeune Noir svelte semble commenter la scène, avec joie. Je ne comprends rien à cette scène, si ce n’est un aspect nietszchéen mal compris, qui verrait dans la force d’un quelconque surhomme nourri au fast-food, une sorte d’aboutissement, voire de liberté de détruire bien acquise. Je sais aussi que la théorie du sur-homme est bien mal interprétée, et qu’un ancien mafieux italien nous l’explique précisément - je ne me souviens plus de son nom - puisqu’il s’agissait chez notre philosophe, d’aller vers un autre homme, une sorte d’homme au-delà de l’homme et de ses bassesses, de ses petites envies, de ses petits besoins, et de sa volonté de puissance dans le sens où elle visait à détruire les autres...

Mais l’époque est à la flatterie. Il faut flatter la bêtise, la mort, la merde. Que l’on aille tuer en jeux vidéo ou en Syrie, c’est bien la même chose. Il faut détruire : c’est bien plus joyeux ! La joie ! La joie ! Ce gros pépère qui court dans un monde détruit, on aurait dû l’encourager à planter des arbres et à manger bio, mais chacun sa merde, en quelque sorte.

La fin est logique : il y a un soldat en chacun de nous. C’est écrit à l’écran. Je n’y crois pas un seconde, mais je n’ai pas les moyens d’en faire une vidéo. Si quelqu’un veut bien se dévouer... "Il y a un soldat en chacun de nous". Voilà ce que l’on nous dit, voilà ce que l’on nous dit de nous, et c’est peut-être la dernière chose que l’on nous dit de nous. La voilà la fin de l’histoire. Nous n’aimons que détruire. Comme tous les enfants méchants, nous prenons plaisir à voir tomber les gens, à voir mourir les autres, à casser des murs, à faire exploser des choses qui, normalement, sont stables. Nous n’avons pas grand-chose d’autre à faire qu’à détruire, et à y prendre un certain plaisir.

15 novembre 2015 :

Il est onze heure du matin carrefour de l’Odéon à Paris. Nous sommes cinq à prendre un petit déjeuner dans ce qui est loin du café d’autrefois, le café de l’angle en face du cinéma, un café que j’adore parce qu’il symbolise ma vie parisienne. Tout est standardisé et la serveuse nous parle en anglais.

Avant-hier soir, il y avait des soldats en eux. Beaucoup de soldats en eux. Paris est déserte et Montparnasse était vide hier matin. Il y a des soldats en eux, et pas en moi.

Sur Facebook™, des gens nous proposent de prier, de mettre des drapeaux tricolores, de chanter la Marseillaise.

Ils oublient qu’il y a des soldats en eux.

Il y a des soldats en nous.

Mais pas que.