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D’autres avant nous.

mercredi 28 octobre 2015, par Grosse Fatigue

Il n’y a pas d’avant nous, de même qu’il n’y a plus d’après je ne sais plus où. Le futur est maintenant, c’est l’époque qui veut ça, et le passé dans les photos au fond des cartons, se réduit à ses deux dimensions dans le noir des boîtes.

Passons.

Hier soir, petite fête à la maison. Comptons les amis et les enfants des amis, et les adolescents et nos filles si jolies bientôt femmes qui font de leurs pères des types incertains. J’ai fait une cinquantaine de crêpes au rhum, puis, en direct, des crêpes salées. Fourneaux, fourneaux. On buvait du champagne en parlant des enfants, de ceux des autres et des miens, car ils s’entendent tous bien, chacun leur âge et les compartiments, les dessins pour petits et les portables pour les grands. Ils ont leur monde, et s’éloignent de nous, c’est ainsi et c’est très bien.

Une amie me parle de la mère de mes enfants. Je la sais sensible et sincère, et les deux qualités fusionnent en une seule, rare de nos jours, dont j’ignore le nom mais pas les effets. Elle me dit quelle tristesse et quelle tragédie. Et nous prenons les petits sur nos genoux et le silence n’a pas le temps de s’imposer : fromage et œuf et jambon pour les grands, cinq s’il te plaît, on peut les monter ? Oui bien sûr.

Je revois nos fêtes d’avant. A ce moment-précis, nous revoyons tous les scènes d’avant, du temps où, voyez-vous.

C’est un peu dur.

Ce qui est dur aussi, c’est de se dire que cette défaite totale, qui finit dans la merde comme un absolu, nous en avions parlé si souvent, je veux dire : "elle" et moi. La peur n’évite pas le danger, la haine évitera-t-elle la nostalgie d’un passé avec des amis, des enfants, de la musique et du vin ? Pour ma part j’essaye de m’en convaincre, mais sans plus. D’autres avant nous nous avaient prévenus, il suffisait de les voir, de les croire, et d’être modestes : nous étions comme eux avant la déchirure et cet état final.

Mon amie sensible et sincère me dit que c’est aussi à cause de lui. Dans tous les couples, il y a la menace d’un lui ou d’une elle, c’est d’ailleurs pour cela que l’on vit en couple, sinon, le monde serait autrement. Le fantôme de l’autre fait et défait à coups de promesses non tenues, peu importe lesquelles, ce qu’était notre vie. Mes autres amis le connaissent, et ne se privent pas de le vomir alors que nous mangeons. Je ne suis pas du tout rassuré quand on me dit à nouveau qu’un type aussi détestable ne portera pas longtemps préjudice à mes gamins, sachant qu’elle a déjà quitté sa maison pour les protéger dans un appartement en ville.

On se veut rassurant. Nous parlons d’autre chose car le vomi se marie mal avec les crêpes sucrées.

Je verse la pâte pas pour autant rassuré, et le petit me demande une sucrée au Nutella™. Pour l’instant, ça va.

Je suis prévenu.

Pas coupable.