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A propos de Mahmoud

mardi 13 octobre 2015, par Grosse Fatigue

Mahmoud me parle. C’est un vieux copain de la fac. Il en a ras-le-bol. Des types sont venus l’enquiquiner pour de vrai dans sa librairie. Il n’avait jamais vu ça. Il ne croit en rien. Il vend des bouquins. Il boit du rouge. Il a une femme qui s’appelle Solange. Et une fille qui s’appelle Isabelle. Mahmoud est comme moi. Il n’y croit pas. Les vieilles fables pour faire peur aux enfants, il n’en a rien à foutre. Il a peur de Marine, il a peur des barbus. Il est coincé au milieu. Il retourne en Tunisie l’été et des amis à lui racontent la même chose. Mahmoud voudrait retourner en arrière, quand on s’est connus. Dans les années quatre-vingts, la suite qui vient était inimaginable. INIMAGINABLE.

Il a vu des amis sombrer, il a vu des types se laisser pousser la barbe. Il a vu les ghettos pousser, les barbes les accompagnant. Il a aussi vu des cousines se planquer avant de sortir, se planquer en-dedans à cause de la peur. Il a vu le maire les aider à devenir pire, en laissant les églises, les leurs, à des types parachutés par leurs pires ennemis, sous prétexte qu’on s’en foutait bien de ces gens-là.

Car chez ces gens-là, monsieur…

Il me dit « Tu comprends, c’était tellement plus facile de nous faire croire que l’on était des Arabes et rien d’autre, qu’il fallait respecter notre culture et la réduire à une religion simple et simpliste, une religion de paysans trouillards que l’on a mis un temps à la chaîne avant qu’ils ne fassent des enfants ! Alors après, comme on ne savait plus quoi faire d’eux, on nous a dit, redevenez ce que vous étiez, on s’en fout du reste, mais restez où vous êtes, puisque vous ne voulez plus partir ! Et à partir de là, justement, on a laissé les pires s’installer, et dicter aux gens ce qu’il fallait croire ! Ils sont venus dans ma librairie, tu te rends compte ! Ils m’ont dit de faire profil bas ! D’aller prier ! Moi qui suis athée ! Tu te rends compte ! Quand je pense à nos années de fac, qu’est-ce que c’était bien ! »

Mahmoud ne s’appelle pas Mahmoud et pourtant il existe. Mahmoud n’est pas d’origine tunisienne mais peut-être que si, ou alors il a des parents de Kabylie allez savoir. C’est kif-kif non ? Solange est bien sa femme mais elle s’appelle Isabelle. Par contre sa fille s’appelle Leïla parce que ça convient à tout le monde. Ou Nadia, allez savoir. Toute ressemblance avec des faits réels et des personnages existants serait pure coïncidence, et la production s’engage à changer les noms toutes les vingt-quatre heures afin de protéger les intérêts du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Une clause du contrat précise même qu’il ne faut pas trop l’ouvrir car on veut vendre des Mirages, car le commerce a remplacé celui des idées, et que tout se vaut. En attendant, braves gens, profitons de cette minute de silence en attendant les années de plomb, toutes choses égales par ailleurs.

Bonjour chez vous, numéro six.

Bonjour chez vous.

Numéro six.