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Se pendre

jeudi 10 septembre 2015, par Grosse Fatigue

L’autre matin, j’avais envie de me pendre. Au cou d’une inconnue, à une poutre dans une grange, n’importe quoi. Mais se pendre.

J’ai parfois comme des visions, quand ça va mal, je me dis qu’une fois mort, on va enfin pouvoir voyager où l’on veut, quand on veut. Je me dis que la mort, ça vaut un abonnement éternel à Air-France, en plus grand. Je me raconte qu’après la mort - ou pendant c’est selon, car le français n’est pas très clair sur le sujet de la mort, s’agit-il du moment ou de l’éternité ? - et d’ailleurs, si c’est l’éternité, et pas l’instant, la différence n’est pas mince !

ENFIN BREF.

Je me dis qu’une fois mort, j’irais à Omaha Beach le 6 juin 1944 pour voir. Oui c’est une mauvaise idée, mais une fois mort, on fait ce que l’on veut, on pense ce que l’on pense, et l’on n’a plus de compte à rendre à personne. On fait selon sa volonté, sa dernière volonté. Moi, j’aimerais bien que la mort soit un spectacle permanent. Fantôme éternel à regarder ma propre enfance ou celle de mes petits-enfants, j’irais dans le passé, j’irais dans l’avenir, je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. J’irais voir la fille de Victor Hugo, ah oui, j’irais où l’on peut aller. Ça, c’est de la dématérialisation. L’imagination enfin au pouvoir. Fantôme interplanétaire. Et de fait, j’imagine les planètes visitées par d’autres que moi-même, des baladeurs post-mortem. Ah, la Voie Lactée en vrai ! La libération de Paris ! Le Vésuve et Pompéi ! La fin des Dinosaures ! L’assassinat de Kennedy à Dallas ! Oui, voir tout cela, une fois débarrassé de tout ce bazar ! Je me demande pourquoi aucune croyance ne nous vend l’idée.

Sans doute parce que c’est plein d’espoir. La mort ne ferait plus très peur, la vie aurait alors une autre saveur, celle du compte-goutte d’un vin précieux, ce qu’elle est exactement. Mais cela n’intéresse personne.

Aujourd’hui, un professeur d’économie m’a dit que les impôts étranglaient la classe moyenne. J’ai rétorqué que ça ne l’empêchait pas de s’acheter des 4X4 et que, après tout, l’argent ne faisait pas le bonheur. Oui, on ne sait pas trop où va l’argent et l’Education Nationale fait ce qu’elle peut. Mais qu’importe. Avec le prix d’une voiture neuve, combien de vélos ?

A table, d’autres gens m’ont regardé comme si j’étais fou.

Ça m’a fait du bien.

J’aurais pu me pendre, par ailleurs.