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Le lendemain d’Oradour

vendredi 28 août 2015, par Grosse Fatigue

Nous sommes allés à la plage pour savourer la fin de l’été. Sur l’autoroute du retour, j’ai compris qu’il faisait nuit autour de neuf heures et plus autour de minuit. J’en ai conclu que l’été s’en allait lentement cette année. Mon attachement à l’été est un attachement à l’enfance, j’avoue tout. Les trous dans le sable et les grosses méduses, les mémères en maillot et les jolies filles, les parents qui lisent un livre et les bouées trop grandes. Le soleil et l’eau salée. Voilà pour l’enfance. J’attends l’enfance en attendant l’été chaque année.

C’est la première année où j’emmène les enfants sans leur mère.

Il va falloir s’habituer. Je n’aime pas ça.

Je pensais à tout cela sur la plage et je pensais à Oradour la veille, parce qu’Oradour, c’est toujours la veille. Et puis j’ai reçu le dernier numéro de Books™ hier - une friandise en quelque sorte - qui nous parle des fanatiques d’aujourd’hui, de ceux qui nous quittent pour aller tuer des gens lointains au nom de l’apocalypse et, surtout, de l’ennui de la vie ici. Comme si l’aventure consistait à punir les gens qui ne sont pas des nôtres.

Je me suis alors dit qu’Oradour Sur Glane, ça ne sert à rien. Et ça ne servira à rien. Car les gamins dans leurs quinzaines ont toujours un truc qui ne va pas, et certains d’entre-eux auront toujours envie d’aller brûler une grange quelque part avec des gens dedans. Le sadisme n’a rien de nouveau, si ce n’est la masse et la publicité.

De retour aux abords de la ville, des slogans multicolores flamboyaient dans le crépuscule rouge sang - un hasard - au lointain. Ils crachaient tous la même chose : ACHETEZ ! dans un sabir commercial qui m’est de plus en plus étranger. Si ma libido est revenue à son niveau démentiel habituel, mon envie d’acheter s’est écroulée parallèlement. La ville s’endormait et je tairais son nom. Je ne veux pas qu’un quelconque massacreur se croit permis.

Mais devant les slogans publicitaires, j’imagine que certains pensent avoir mieux à faire que la bagnole à crédit et le pavillon pavillonnaire. Non pas que je les excuse car mieux à faire, ça pourrait être Médecins sans Frontière ou l’aventure sans canon.

Et puis le petit m’a demandé si l’on arrivait bientôt.

Je me suis demandé si lui aussi, un jour, passerait du mauvais côté.

Et j’ai préféré ne plus y penser. J’ai confirmé que l’on arrivait bientôt. Il m’a dit papa, c’était une chouette journée.