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La raie forme du collège

mardi 9 juin 2015, par Grosse Fatigue

Je lis les débats sur la réforme du collège. A mon époque de collégien, c’était bien simple. Les bourgeois n’avaient pas tant que ça à mettre leurs mômes dans le privé... Il suffisait qu’ils fassent allemand en sixième. Pour ma part, avec les prolos hispanisant en quatrième, je n’étais au courant de rien. Les emmerdeurs étaient virés, et partaient dans le privé. Le privé, c’était nul ou catholique. Voire les deux.

Mais il y avait des profs comme on a des souvenirs.

Aujourd’hui, grâce à Baudelot et Establet, qui continuent de voir de la compétition là où ne subsistent plus que des jeux, tout a changé. Je connais des bourgeois. J’en connais plein. Ils ne sont pas inquiets. Ils paieront. Ils payent déjà. On peut bien supprimer les notes pour que les prolos aient moins peur d’être nuls et qu’ils aient l’illusion qu’un bac S à Sarcelles vaut son poids d’or à Louis le Grand. On peut bien nous raconter ce que l’on veut. J’ai des mômes en primaire. Le petit ne sait toujours pas lire à la fin du CP. Les autres ne savaient pas non plus. Il faudrait leur donner des exercices de lecture dès la fin de la maternelle, il faudrait des années d’avance, voilà ce que pensent les familles aisées ! J’en connais qui poussent leurs mômes comme ça. Je ne m’inquiète pas. Les miens jouent quand même. On peut réformer ce que l’on veut, et l’on peut même abandonner les Lumières, l’élitisme républicain, le mérite, la grammaire et l’orthographe. Et tutti-quanti ! Ce n’est pas comme ça que l’on va rétablir l’égalité. Car il est trop tard. La plupart des étudiants que je côtoie - auxquels on a donné, en gros, le bac parce qu’il fallait bien leur donner quelque chose - ne savent pas faire une règle de trois en licence. Certains s’offusquent de mon refus de corriger leurs plans ou leurs mémoires quand il y a plus d’une faute par ligne. Nombre d’entre-eux atteignent la barre des quatre à six fautes. Mais ça n’est pas important. Rien n’a d’importance. Il faut s’adapter au marché. Et le marché est mouvant. Emouvant, beaucoup moins. Le marché est à l’utile. Ce que l’on apprend à l’école est inutile. Mon fils me le dit. Papa, je me demande bien à quoi ça sert tout ça !

Il ne faut pas répondre "à rien".

Car ce qui ne sert pas nous construit et nous enivre si l’on sait attendre. Non, nos tentatives pour dessiner des logos en arts plastiques avec François Boussange - immense professeur - ne servaient à rien. Mais quel bonheur. Non, les cours d’histoire allemande ne m’ont servi à rien à la fac. J’ai appris que des fous de Dieu étaient devenus dingues à Münster... Monsieur Chaix, le prof, avait l’air d’un dingue aussi. Non, ça ne servait à rien qu’à peupler mon panthéon de profs marquants. Même les cours de maths de monsieur Taillefer ne m’ont servi à rien. Mais il nous a appris l’astronomie, et nous en avons poli des miroirs de téléscopes ! Ah, et toi Gérard Poulnot, mon prof d’économie ! Mon sauveur ! Toi qui m’a sorti de la haine d’autres profs d’art plastique, des staliniens, des prétentieux ! Il faut dire que j’avais osé déboulonner Le Corbusier en le comparant à Albert Speer ! Heureusement, aujourd’hui, la vérité est rétablie.... Connards de profs d’art plastique !

Le collège, le lycée, l’école primaire, la fac : des profs. Voilà ce qu’il nous faut. Des profs, pas des tablettes, pas des programmes, pas des réformes, pas des technocrates. Des profs ! Avec du ventre.

Le reste, c’est la vacuité, le pragmatisme. Le reste, ça n’est rien....

Plus sérieusement : ça.