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Se souvenir du chocolat

mardi 7 février 2012, par Grosse Fatigue

Je me souviens d’une scène dans Malevil de Robert Merle. Et aussi un peu l’équivalent dans un bouquin de Barjavel, barge et eau de javel, beaucoup moins bien sans doute : limité à l’adolescence, genre.

Je raconte tout cela à Rogan qui s’en moque. Un fusil à pompe à la main, il scrute l’horizon à la recherche de pillards qui pourraient nous bouffer tout cru vu le froid qu’il fait aujourd’hui. J’ai l’impression d’être dans La route, à coup sûr pas celle de Kerouac. J’ai peur. Rogan me dit de fermer ma gueule. Ils ne sont pas loin. Je claque des dents mais je n’arrive pas à monter le son : il n’y a pas d’électricité dans la caravane.

Je regarde Pamela :

- "Tu te souviens du chocolat ?
- Si je m’en souviens ! Pour sûr que je m’en souviens ! La segmentation était devenue si large que les rayons faisaient au moins cent mètres de long ! "

Je reconnaissais bien à ce genre de remarque ses origines américaines : tout dans la quantité. Comme dans les pornos américains. Il y a une différence ontologique entre les pornos français et les pornos américains. La France n’a pas encore été touchée par le fordisme bital du triptyque pipe-vagin-anus éjaculation faciale. Sans doute notre amour du luxe et de la volupté ? (Je sais que c’est faux et que la globalisation du triptyque est étonnante. Elle va toucher au plus profond de l’Inde. Dans tous les cas, je préfère le porno sans homme, et les étrangères aux étrangers, qui eux-mêmes ne le sont pas assez à mon goût, trop semblables).

Elle s’en fout. Pamela.

Je lui dis : le chocolat, qu’est-ce que c’était bon quand même ! Je n’avais aucune idée qu’il put représenter d’une manière ou d’une autre l’ère pétrole ! Pour moi, c’était comme un fruit, rien à voir avec l’Arabie Saoudite !

Roy arrive alors en courant : ils sont à deux miles, ils savent que l’on est là.

Rogan sourit. Il a été élevé entre un Clint Eastwood vieillissant et Call of duty huit heures par jour chez les bouseux même en secteur urbain. Dix minutes après, on entend des bruits de vélos pas graissés. Derrière les buissons, les premiers arrivent. Ils envoient les enfants pour nous amadouer. Je leur gueule : "Vous vous souvenez du chocolat ? " Et là, l’un des plus grands se lève pour passer la haie. Rogan tire. Dix points d’un coup.
Comme les requins. Comme les requins me dit Roy. Les autres ramassent le corps et s’en vont préparer leur barbecue à la cannibale. On entend à nouveau le bruit des vélos rouillés.

Pamela me dit : "Il t’en reste du chocolat ?".

Je me souviens : en haut du placard, deux plaquettes pour moins cher que deux séparées. Le goût épais et trop sucré du chocolat pâtissier. Rogan est content. On tiendra encore quelques jours. Le chocolat, c’était du pétrole. Je m’en souviens très bien.