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Ubu et tordu

mardi 25 décembre 2012, par Grosse Fatigue

Roy me regarde du fond du canapé que l’on avait acheté le jour où l’on a cru que des amis viendraient dormir. Il soulève sa coupe de champagne vide et me dit "A ta santé l’ami". C’est une phrase assez américaine avec de l’emphase. Roy sent bien quand je n’ai rien à dire et que ça me désole. En plus, mon Mac™ est de plus en plus lent et je suis sûr qu’une centrale d’espionnage y a installé un paquet de logiciels-espions depuis que j’ai juré de ne plus rien acheter en ligne et de ne plus avoir envie d’autres femmes que la mienne.

C’est l’après-midi de Noël, tout est fini, les enfants sont aussi gâtés que les pommes sortant du congélateur ou que mes dents au passif prolétarien initial. Roy en sourit. En bon Américain qui gouverne nos rêves et guide nos pas, il n’en a rien à foutre. Vacciné dès l’enfance contre la nostalgie, la mélancolie, la musique classique, puces et brocantes en tous genres...

"T’as rien pondu depuis longtemps, hein ? "

"Et puis en plus, Joëlle t’a dit que ça fait dix ans que c’est pareil ce que t’écris en ligne".

"Et puis t’écris plus rien d’autre, non ? "

Il m’énerve à ouvrir des guillemets à chaque fois qu’il parle.

"Le web a changé l’ami, sans compte Facebook™ et des millions d’amis, sans Tweeter™ à chaque rot, en ayant dégringolé autant dans le classement de Google™ quand on tape "grosse fatigue", avec le Rezo qui ne te sacre plus que de temps en temps et seulement quelques heures, ben voilà : plus personne te lit l’ami...."

Il dit l’ami tout le temps. C’est ridicule.

"Et puis tu colles mal à l’actualité. T’as pas fini ton texte sur le pape et sa bénédiction. Il est pourtant réaliste ton texte : le pape fait son testament du catholicisme en Europe. C’est pour ton bien. Il t’a lu sans doute. Il sait parfaitement que la science progresse dans le doute et que la religion régresse sans doute. On n’a plus peur de rien sauf de notre mort collective."

Je l’arrête : je n’ai jamais vu de mouvement symbolique à une prise de conscience planétaire dans les conneries de la fin du monde. C’est juste que les médias en ont marre de nous parler de la Syrie...

"Justement : t’as rien écrit sur la Syrie".

Ni sur le conflit palestinien.

Ni sur Depardieu.

Ou sur Tapie dans le midi.

Pas même sur Lance Armstrong.

Le film de Podalydès, "Adieu Berthe", c’est du Woody Allen raté.

"Le grand soir", avec Poolvorde et Dupontel, ça manquait de rythme..

"Arrête d’égrainer des mots-clés ! Les moteurs de recherche, du moins le plus gros, ne fonctionnent plus comme ça. Il faut payer pour être en haut lieu, bien placé. C’est pas tes balivernes qui vont y faire quelque chose...."

Il faudrait que j’aille prendre une douche. Je sens bien que j’ai mauvaise haleine. L’haleine des mecs de quarante-six ans libidineux. JE SAIS : on n’a pas le droit d’être libidineux après quarante ans et encore moins le jour de Noël.
N’empêche.

Je ne suis pas le pape Ubu, tordu, avec sa bénédiction dans le cul. Et puis je ne soutiens personne.

"C’est vrai ça, t’as pas soutenu les homosexuels qui veulent se marier ! Pourtant, Joëlle les soutient, elle ! "

C’est que je m’en fous un peu à vrai dire. Je trouve que ça n’est pas un problème fondamental. Je suis désolé, je ne suis pas correct. Il y a des tas de manières d’être correct. A gauche, à droite, aux extrêmes. Je ne suis correct que pour moi-même. Ça n’intéresse pas grand-monde quand on est comme ça, ça ne fait pas porte-voix...

"C’est là où tu rates tout ! Quel prétentieux ! T’as même refusé la journaliste du grand journal ! Quelle erreur ! T’aurais eu un deuxième quart d’heure de gloire !"

C’est qu’elle parlait de mon site comme d’un journal remplaçant la psychanalyse personnelle (SIC). Ça m’a tout de suite gonflé. J’ai été malpoli. Elle était pourtant jolie et avait l’air un peu salope, du moins autant qu’on peut l’être quand on a fait Sciences-Po... A la parisienne, avec les pincettes et le quant-à-soi. Du genre à aimer les hommes politiques, du genre à...

Roy m’interrompt :

"Tu te trompes dans la dénonciation du politiquement correct. Ça ne porte nulle part. A gauche on te croit de droite et à droite.... Pour le reste, tout le monde s’en fout. Ce qu’il faut, c’est nous raconter des histoires. Celle de Pamela était pas mal. T’aurais dû continuer ! Et puis la journaliste a trouvé un autre quidam. Le type ne dort plus depuis qu’il a fait les pages CULTURE-MEDIA. Raconte-nous encore Pamela !"

- Mais je ne peux pas ! C’est copyright™ !

"Et alors ? Fais comme tout le monde ! Plagiat ! Comme tes étudiants ! Plagiat ! Et t’as qu’à dire que t’es pour le plagiat, parce que c’est pas chiant comme ces vieilles dissertations ! Suis Michel Serres ! Il est pour le plagiat ! Il est pour les jeunes ce vieux con ! Il est pour internet ! Il l’a dit dans l’émission de Finkielkraut ! [1] Il faut plagier ! Si t’as pas d’histoire, t’as qu’à ré-écrire celles de ceux qu’en ont !

Le petit me demande de remettre des piles dans la télécommande. Les jeux vidéo polluent les sols de nos campagnes avec des piles non-recyclables fabriquées en Chine par des enfants aveugles. La voilà mon histoire de Noël.


[1Véridique. Samedi 8 décembre 2012 : "L’école dans le monde qui vient". Il faut écouter Michel Serres et comprendre l’intérêt de la retraite à 60 ans. Luttons, luttons !