GROSSE FATIGUE cause toujours....

Accueil > Roy, Rogan et Pamela > Je suis un serial-killer

Je suis un serial-killer

mardi 30 avril 2013, par Grosse Fatigue

C’est vraiment la figure de l’époque. Il y a le geek, le nerd, le bobo, le beauf, il y a la génération Y, il y a tant de cases pour si peu de différences. Et puis il y a le serial-killer. C’est une invention américaine made in France, comme toutes les inventions américaines, c’est ici que tout a commencé. Landru et Docteur Petiot. Les Américains ont amélioré le modèle, et la figure fascine. C’est important de fasciner les gens.

C’est comme Hitler, on se demande comment un tel déguisement a pu en fasciner autant. C’est à cause du contexte : on oublie le contexte. Aujourd’hui, en Allemagne, un type déguisé en Hitler ferait autant d’effet que Boy Georges aux filles de douze ans : RI-DI-CU-LE.

Le ridicule ne tue pas. Par contre, le serial-killer, si. Alors on se demande quel plaisir ces braves gens prennent à tuer d’autres gens. Moi qui ai connu des chasseurs en Sologne, je ne me pose pas la question. Je les ai vus, je les sens encore, un faisan, un lapin ou une inconnue dans la rue, le problème est dans la première fois. Et l’on s’habitue à l’effroi. Sauf qu’il est tellement dur de devenir chasseur en milieu urbain, et qu’il y a tant de proies, tant de gens remplaçables, des geeks, des nerds, des bobos, des beaufs, des ploucs, des fonctionnaires. Tant de gens à tuer comme on tuerait le temps parce que la campagne est loin et le gibier manque.

Il y a d’autres explications bien sûr.

L’armée ne recrute plus assez. Les guerres mondiales se font rares. Les générations précédentes étaient pleines de serial-killers légaux. On leur donnait des médailles, c’étaient des guerriers. Aujourd’hui, il faut s’engager et ne faire que ça. Un militaire tue peu : trop de bureaucratie, trop de lenteur. Pas assez d’ennemi. Et puis un militaire se fait tuer : dommage.

Moi je tue le temps. J’aime pas les gens. Mais j’aime pas non plus les serial killers. La chose à tuer, c’est vraiment le temps. Surtout sous la pluie.

(Roy me tape sur l’épaule)

- "T’es encore en train d’écrire sur ton site ?
- Oui.
- Mais t’es vraiment complètement con ! T’as vu le temps que ça te prend ?
- Ben, je tape vite, j’ai pris des cours, cent mots minute, alors ça va, hein !
- Non, ça va pas. Tu perds ton temps. T’as vu ton nombre de visiteurs ? Le nombre de permaliens sur ton site ? Tes amis Facebook™ ? Ton compte Twitter™ ? T’as vu la réponse de Rue89 ? Tu as DISPARU. C’est le web2.0. Tu devrais demander du fric à chaque lecture, tu crèverais la dalle.
- Tu parles de mieux en mieux français.
- C’est à ton contact. J’ai oublié l’anglais. Les conseils d’administration en France sont de plus en plus en anglais, pour faire bien. Mais moi, j’aime bien le français. Et toi, tu ferais mieux de trouver du boulot.
- Mais il faut que j’écrive !
- T’as qu’à faire écrivain public dans les ghettos français.
- Je suis trop vieux pour ça.
- Tu nous fais chier. Tu vois, un serial-killer, ça devient célèbre parce que ça fait le mal (evil en anglais). Toi, tu devrais faire le mal, passer du côté obscur.
- Tu veux que je tue des gens ? Mais t’es cinglé ! Je suis non-violent !
- Mais essaye ! Tu verras les gros titres : "Un bloggueur assassine sa voisine !"
- Ma voisine ? Mais elle est super-sympa Cécilia ! Elle m’a offert du gâteau au chocolat l’autre jour, quand je retournais mon potager !
- C’est là qu’il faut la chopper ! Après, tu l’enterres direct ! On finira par découvrir que c’est toi ! On fera connaître ton site et tu sais quoi ?
- Quoi ?
- Ben : tu seras enfin publié ! Un éditeur sentira le filon ! On te mettra d’autres meurtres sur le dos, et hop !
- Je veux pas tuer ma voisine. Les gens qui tuent des femmes, ils habitent dans des mobil-home souvent.
- Ah je vois : tu penses à Jean-Denis [1] ?
- On n’est pas sûr de sa culpabilité. Et puis son mobil-home est à vendre....
- C’est comme ça qu’il attire les victimes : un jour, il sera célèbre ! Une annonce dans le Bon Coin™, et hop ! Passe ta première annonce ! Vas-y !"

J’ai assommé Roy avec mon rouleau à pâtisserie. C’est un beau rouleau. Mon père l’a fait autrefois. Il a la particularité d’avoir un axe autour duquel il tourne, c’est beau. J’ai fait la même chose avec Rogan une autre fois. J’essaye de tuer mes démons. Li-Tong regarde le crâne éclaté de Roy.

- "Tu vois, t’es encore passé du côté obscur !
- Mais, Li-Tong, qu’est-ce que tu fais ici ? Je te croyais sur France-Inter ?
- Ils n’ont pas voulu de moi. J’ai trouvé un job dans une série suédoise sur Arté.
- Ah oui ! Tu fais le robot coréen hyper-sexy ?
- Oui.
- Ah.
- Ah.
- Tu peux m’aider à enterrer le corps ?
- Il va falloir attendre la nuit."


[1Le prénom a été changé pour conserver l’anonymat de la victime