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Encore une fin d’été

dimanche 23 septembre 2012, par Grosse Fatigue

Les enfants sont tout-à-fait heureux. Ils grandissent et c’est leur objectif. Leurs parents - nous et moi - sommes heureux de leur bonheur passager. Le plus petit nous demande si l’on est déjà demain. Chaque matin c’est ça : "On est demain ?". Et l’on n’est jamais demain. C’est toujours après. De même qu’il se fait une idée naïve et floue de l’époque. L’époque, c’est autrefois. Il me dit : "T’étais petit à l’époque ?" Oui. Ou "A l’époque, c’était la guerre ?" Voilà. L’époque chez un petit de quatre ans englobe l’ensemble du passé en un mille-feuilles superposées. Les enfants se vantent d’avoir de grands pieds et de devoir changer de vélos à cause de la taille. Chaque petite avancée des enfants comble les petits reculs que le temps nous inflige. Je ne vois plus rien de près mais ils nagent de mieux en mieux. Ils ne sont pas encore complètement cons. Ils détestent la cantine. Jouer est un horizon. Un bout de bois une épée.

Et puis Roy arrive derrière moi une bière à la main. Je devrais arrêter de préciser qu’il a TOUJOURS une bière à la main. Même si c’est nouveau, même si c’est cool. Il se confond avec Rogan. Il avait un côté super-héros sauveur américain alors que Rogan était un prolo du midwest, l’avenir du peuple des pavillons. En vieillissant, Roy et Rogan se confondent. Roy me dit d’oublier les enfants, ça ne fait pas une œuvre. Ou alors des livres pour enfants : inconséquent. Il me dit d’écrire un livre de guerre pour en faire un film ou un jeu vidéo. Roy me fait de plus en plus peur. Il me raconte que seule la technologie fait des progrès. Des massacres, y’en a toujours eu. Des croyants aussi. Des fous du volant. Des femmes qui aiment la chasse. Il ne dit pas des "chasseuses". Il n’y a pas de féminin en américain. Il me dit qu’il n’y a aucun espoir. Et que je suis de plus en plus ridicule à aimer Bach. Ce n’est pas à mon âge que l’on découvre la musique classique : c’est une musique de classe. Roy m’emmerde sérieusement. Il me dit : "Avant, j’étais ta conscience. Maintenant, je suis ton impuissance".

La revoilà. Aussi lourde que les saisons qui passent. Roy a raison.