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Comme une envie de slow

lundi 12 janvier 2015, par Grosse Fatigue

Ça n’est rien, le temps passe. Mais j’ai comme une envie de slow. Des slows dans les sous-sols des années soixante-dix, avec des filles maladroites et des bouquins de cul cachés sous des canapés incertains. Avec des copains qui boivent de la bière pour la première fois, avec des mains aux fesses mais pas les miennes. Je veux comme souvent dans les grands moments où le cafard l’emporte partir avec lui dans le passé, le passé d’avant (SIC bien sûr) où l’on ne savait rien de la misère du monde et de la méchanceté des grands, car nous étions entre deux eaux et c’était merveilleux de goûter la langue des filles même si des pop-corns restaient collés dessus. Les parents venaient nous chercher en R16 et les grands frères en R5. Il y avait des mobylettes™, des produits français, les gens fumaient dans les films et dans les bars, et surtout dans les bars à l’intérieur des films. Je détestais cela mais à chaque film de Sautet, j’en souris encore. Il me semble qu’avant ma naissance, être jeune voulait dire être contre quelque chose, la guerre du Vietnam ou les bourgeois en loden. Maintenant que ma femme est partie pour l’un d’eux, j’ai pris un coup de vieux. Je danse un slow tout seul dans ma cuisine en écoutant Eagles, je n’ose même plus me regarder dans la solitude. J’en ai marre de Houellebecq et des mauvais augures, j’en ai marre de la profondeur de gamme et du choix infini, je voudrais des certitudes simples, ne plus porter de montre, dire n’importe quoi si cela n’est pas déjà le cas.

Quand il n’y a rien de mieux à espérer qu’une mise à jour alors qu’autrefois des types jeunes chantaient Paint it black sur fond de forêt vietnamienne, seuls les pessimistes font des best-sellers, un point c’est tout. Le pessimisme est une nouvelle vague de fond, c’est comme le vague à l’âme avec du cynisme dedans. J’ai moi-même accepté cela, moi-même, ça n’est pas grand-chose. Il faut que j’écrive plus et mieux, il me faut de la profondeur, il me faut sortir de là, je le dis parce que je sais que celui qui lit est comme celui qui écrit au moment même où il lit : il pense comme moi. Le lecteur, si infime soit-il et d’ailleurs on s’en fout de la quantité, nous ne sommes pas des comptables, le lecteur au moment même où le dernier mot se forme en lui pense ce que je pense quitte à le réfuter par la suite.

Dansez sur moi. Dansez sur moi. Dansez sur moi.

Et d’ailleurs, pourquoi les slows ont-ils disparu ? Que s’est-il passé ? Où sont les mélodies ? Pourquoi donc faire l’apologie de ces types qui parlent faux dans la superficie de leur manque de vocabulaire ? Une question revient sans cesse en moi, elle est absurde, mais elle doit correspondre à l’époque de la fin des slows : que s’est-il passé ?