La génétique par la petite porte du commerce médical

N’importe quoi. Dans "La tête au carré" de ce jour, j’entends des types sérieux nous dire que l’obésité n’a rien de social : c’est génétique. C’est là :

>http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1015473#

Et c’est vers la quatrième minute. Ça vaut le coup d’écouter le spécialiste de la "réalité de terrain". Tu rechercheras toi-même ce que fait le grand spécialiste de l’obésité infantile. Car il bosse aussi pour une grande marque qui fabrique, entre autres, du chocolat avec des graisses et des cochonneries non chocolatées. Tape son nom dans Google™ et tu comprendras que, parfois, Big Brother a du bon. L’obésité est une maladie, mais on en vit bien qu’il nous dit : c’est juste un problème psycho-social. Ça envoie du lourd. Le généraliste qui commente est lui-même plutôt un costaud... Mais il fait la part des choses. Ce qui est intéressant, c’est la minute précise où le vrai spécialiste qui travaille aussi pour qui vous savez nous dit que l’obésité n’a rien de social mais qu’elle est GÉNÉTIQUE. Allez à 10:40. Ce ne sont pas les sodas qui font grossir. C’est génétique. Ceux qui disent le contraire, c’est du buzz, c’est pas de la science.

Voilà : tout est dit.

Et j’enrage. (Merci de m’écrire si vous enragez aussi, c’est mauvais d’enrager seul surtout quand on ne passe pas à la radio).

On va me rétorquer que, n’étant pas généticien, je n’ai pas mon mot à dire. Sauf que je suis un peu sociologue, et surtout, pas complètement amnésique. Prenez les Etats-Unis. Même si vous n’avez pas eu les moyens d’y aller jusqu’à maintenant, vous pouvez vous contenter de regarder des films. Vous pouvez aussi avoir accès à moult statistiques sur la question. Il y a cinquante ans, le GI moyen était mince. L’homme de la rue aussi. La femme noire dans les bus pas moins. Regardez aujourd’hui. IL SEMBLERAIT QUE L’ON AIT AFFAIRE À UNE MUTATION GÉNÉTIQUE qui mène une grande proportion de la population la plus pauvre en général vers l’obésité. Ce n’est pas moi qui le dit, mais le grand spécialiste, un médecin qui, comme vous le savez maintenant, aime bien les gueuletons des labos en Suisse. Lecteur, mon ami, tu vas aussi me dire que c’est loin l’Amérique.

Cher ami, souviens-toi quand nous étions petits. Y avait-il des obèses en France ? Eh bien, non. Bien sûr, j’avais des potes un peu costauds. Mais l’obésité morbide (tape dans Big Brother™), ça n’existait pas. LA FRANCE EST, ELLE AUSSI, VICTIME D’UNE MUTATION GÉNÉTIQUE QUI NOUS MÈNE À L’OBÉSITÉ !

C’EST PAS ENORME ÇA ?

Le problème c’est qu’aucune industrie agro-alimentaire ne paye les sociologues dans mon genre (nul j’avoue) à participer à ses recherches. Parce que l’on ne sait pas mentir. Un problème médical de masse, un problème médical nouveau, un problème médical commun à un ensemble, à une population spécifique, c’est avant tout un problème SOCIAL, en particulier quand il n’est pas provoqué par un agent infectieux mais par un comportement. Mais les médecins ne soignent pas les problème sociaux. Ils soignent des corps. Ils disent "psycho-social" comme ils diraient "Parsembleu". Pour dire quelque chose.

Or, la logique (il y a logique dans "sociologique", que l’on me pardonne mon côté boudonien), donc la logique de la déduction nous amène tout simplement à voir qu’avec le divorce, l’abandon des repas à heure fixe, l’expansion du domaine de la bouffe préparée à l’usine, le sucre partout, le "snacking" et autres saloperies, on a une population obèse. La population la plus obèse au monde aujourd’hui est en Arabie Saoudite. Autrefois, les gens du désert étaient plutôt maigres.... Non ?

Ah, bien sûr, l’argument génétique, c’est la grande classe, car c’est mystérieux. Et ça ne veut rien dire. A supposer que les gens devenus obèses possèdent un gène qui les rend obèses, pourquoi n’y avait-il pas d’obèses chez leurs parents ? Pourquoi le gène de l’obésité est-il aujourd’hui dans notre assiette ?

Mystère et boule de gomme (composition : 70% de sucre, 45% de saccharose, colorants E150, etc.).

PARCE QUE LEURS PARENTS NE MANGEAIENT PAS TROP, et surtout pas de la crème chocolatée à tous les repas chez l’Ambassadeur par exemple. Et que l’on mangeait en famille. Et que, parfois, on n’avait plus du tout faim. Et que l’on allait courir dans les jardins, voire dans la rue, histoire de bien rigoler.

Quand j’y pense, ça doit faire dix ans que je n’ai pas vu d’enfant courir. (Soleil Vert, années 70) ;

Oui, c’est bien un problème social. L’aspect génétique, c’est bidon. Mais c’est très contemporain. Car on ne gagne de l’argent qu’à soigner les conséquences, surtout pas les causes. La tragédie du diesel est l’équivalent automobile de ce même discours. On pourrait augmenter le prix du diesel et supprimer les subventions à ce genre de motorisation. On pourrait l’interdire à cinq ans dans les villes, et subventionner les voitures étrangères hybrides ou je ne sais quoi. Mais quelqu’un quelque part gagne beaucoup d’argent en vendant du diesel, et celui-là pourra toujours nous dire que tout ça, c’est pour de faux.... Ou alors le tabac, ou... D’ailleurs, s’il me fait un gros chèque qui me permette de vraiment quitter la terre pour aller vers une planète où il n’y a personne comme lui, j’accepte la corruption. Je suis faible aussi, que l’on me comprenne...).

La génétique va nous être vendue par les marchands de soupe. Que des médecins osent nous dire, du haut de leur commerce et pas de la science, qu’il s’agit de génétique, ça me rend encore un peu plus dingue. J’aimerais qu’un généticien me soutienne. Un vrai. Un type qui n’aimerait pas le chocolat, par exemple. Ou alors uniquement celui de Voiron, Isère, mon sponsor. [1]