GROSSE FATIGUE cause toujours....

Accueil > Généalogie du dégoût > L’amour à Disneyworld™

L’amour à Disneyworld™

vendredi 14 novembre 2014, par Grosse Fatigue

C’était du temps où l’on ne comptait pas le temps. Un temps impressionniste, suspendu, le temps que l’on regarde quand on se retourne, parce qu’au moment où l’on vit ce temps-là, tout est en apesanteur.

En 1997, contrairement aux prophéties de science-fiction, j’étais amoureux d’Ingrid. Son prénom suédois ne correspondait en rien à ses traits, ses atours, ses attraits. Je la savais bien déjantée, je veux dire profondément, mais quand on tombe amoureux, on ne compte pas, on est aveugle, ce genre de choses. Pendant que l’homme de sa vie apprenait les sciences de l’ingénieur en Allemagne, nous nous explorions comme en voyage permanent, autant en emporte le vent.

Ingrid m’avoua avant septembre que c’était mieux avec moi mais plus confortable avec lui, ce que je pris, la mort dans l’âme, comme un immense compliment. Par la suite, je la croisais en ville, elle m’ignorait dans une colère sourde, me détesta bientôt, comme un caillou dans la botte. Elle se maria en blanc puis partit à l’étranger avec le nain gêneur, et vogue la galère.

On a tous une Ingrid dans un placard. Elle chercha à reprendre contact, d’un pays lointain, mais sans sentiment, m’avouant encore plus tard que tout cela n’était qu’un jeu. Il y a des femmes qui effacent tout. Je ne crois pas que ce soit féminin, mais étant un homme, dans mon cas, j’observe cette étrange capacité chez les femmes.

Aujourd’hui, aucun contact. Les derniers échos lointains résonnaient de divorce, mais je n’en croyais pas grand-chose. Je savais sa folie cyclique, violente, sans nuance. Et puis les enfants entre-temps, un vent de panique oscillant entre l’ancrage familial et le désir du grand retour vers.

Le grand retour vers.

Rien.

En regardant les photos de famille sur ; vous savez bien ; le quasi-monopole d’internet, je vois sa vie aujourd’hui. Une immense baraque neuve dans une banlieue de cet autre pays. Des voyages dans des lieux exotiques mais propres avec piscines donnant sur la mer, des palmiers. Un rêve de secrétaire en fond d’écran sous tous les Windows™ du monde. Des enfants dans des parcs d’attraction. Des cadrages un peu ratés.

Des photos plates.

La dernière en date est un portrait de famille devant le château kitsch d’une belle au bois dormant, à Disneyworld™. C’est fou comme la nature sous les traits de l’amour, cette chimie absurde, nous aveugle. Je l’ai échappé belle ma belle, ah mais vraiment, quelle chance que tes préférences pour le confort ! J’ai tiré un trait sur une certaine nostalgie. On va pouvoir faire des Legos™ radio-commandés avec le petit à Noël.

Parfois, il vaudrait mieux ne pas savoir. En cela, je remercie Delphine. Facebook™ m’interdit dorénavant de lui écrire de petites bafouilles sans importance. C’est sans doute mieux.