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Eric Zemmour, comment en est-on arrivé là ?

lundi 6 octobre 2014, par Grosse Fatigue

J’aime beaucoup Eric Zemmour, même si, à vrai dire, je ne l’écoute jamais, je ne le lis jamais, je ne le vois jamais et que, à vrai dire aussi, je m’en fous. Je viens de finir un article dans Books™ sur Heidegger, un philosophe allemand avec une petite moustache et beaucoup d’antisémitisme dedans. Un philosophe qui a permis à Bourdieu d’écrire à la campagne j’imagine, son seul bon bouquin sur l’ontologie politique du sus-dit. Il y a chez Heidegger un délire constant, sur le peuple, la nature, le destin. L’anti-modernisme, la négation de l’individu, la haine de la Raison à la française - la française d’autrefois, Eric, pas la métisse franco-béninoise qui te fait si peur, rassure-toi - toutes ces choses sont contenues chez Heidegger et, figure-toi mon cher Eric, que des dizaines de philosophes, dont Jean-Paul Sartre, celui qui pouvait regarder le match de foot tout en surveillant l’eau des pâtes, oui, celui-là, se sont réclamé d’Heidegger et de son existentialisme. Le philosophe allemand se réjouissait plus ou moins en secret de la barbarie nazie et se ravissait d’autant plus d’une solution finale émouvante, avant que la partie ne tourne en sa défaveur. Il était assez inutile d’en lire plus pour voir dans sa philosophie le côté obscur de la force, loin de Kant ou de Descartes, une philosophie inutile pour la vie quotidienne comme dirait Lefebvre. A vrai dire Eric, je suis persuadé que chacun peut trouver son audience, même en disant absolument n’importe quoi. Ou juste en disant n’importe quoi mais pas tout le temps.

Des chercheurs américains pensent que les jeux vidéo rendent les adolescents moins cons, alors qu’en côtoyant des adolescents pratiquant la chose, il est difficile d’y trouver des amateurs de Proust. Mais ils feraient, paraît-il, de bons pilotes de drones ou des djihadistes cinglés, le sang ne giclant pas assez en deux dimensions si je ne m’abuse. Alors, Eric, que tu t’accroches au passé d’avant la fin des Beatles, c’est bien normal. Moi aussi parfois, quand je croise un professeur de français, j’ai envie de lui lire le Bescherelle™ que veux-tu, le monde est ainsi fait.

Mais, Eric, ne va pas croire que j’abonde dans ton sens. Car il y a des choses vraies et des choses fausses. On ne peut pas cracher sur tous les visages constamment en disant que ce sont les autres qui ont commencé. D’après ce que je crois avoir lu, ou vu, sur internet et trop rapidement, Eric, tu nous dirais que Pétain - le Maréchal nous voilà, celui de la Manif pour tous, mais si, tu vois bien - donc le Maréchal aurait sauvé des Juifs. C’est intéressant car c’est la thèse d’un certain Dreyfus (un autre), un type qui s’est rapproché autrefois d’une certaine extrême-droite - ta famille en sorte - pour y cautionner l’idée de la double-allégeance, le Maréchal faisant ce qu’il pouvait en attendant que Londres ou Washington ne viennent nous sauver. Quand je dis "nous", j’inclus quant à moi la franco-béninoise, ne t’en déplaise.

A la devanture du PMU près de chez moi, il y a ta photo et ton titre. Comment en est-on arrivé là ? Eh bien ! J’avoue que rien ne me surprend vraiment. La banalité du mal est souvent pavée de bonnes intentions si je ne m’abuse, non ? Car finalement, il faudrait qu’un jour on demande aux gens à quoi ils rêvent. Toi, Eric, comme d’autres, tu rêves d’une certaine France. Je crois la voir assez bien. Nous irions à la messe le dimanche matin. Les hypermarchés seraient fermés. Peut-être irions-nous au catéchisme aussi, et nous parlerions latin. La misère du monde, d’un certain monde, ne serait pas ignorée. On la trouverait normale mais on prierait pour les pauvres. Les étrangers résideraient à l’étranger, ce qui est la moindre des choses. Bien sûr, il sera difficile de définir QUI sont les étrangers. A ce jeu-là, on a tendance à ratisser large. Il paraît que Pétain avait de sa plume dénationalisé les Juifs d’Algérie.

Finalement Eric, on l’a échappé belle. Non ?