GROSSE FATIGUE cause toujours....

Accueil > Sérieux s’abstenir > Le trou-du-cul de tout le monde : selfie anal en 3D.

Le trou-du-cul de tout le monde : selfie anal en 3D.

mardi 24 juin 2014, par Grosse Fatigue

Il y eut Reiser et Gros Dégueulasse, qui prenait des photos d’anus pour consteller son plafond de galaxies hideuses et d’étoiles fanées. Il paraît que Dali adorait aussi les trous du cul, qu’il en faisait des moulages demeurés en lieu sûr, prototypes de l’art de demain.

Mais aujourd’hui, il y a mieux. Il y a :

L’avenir.

Après le tatouage de zone de pilosité irréversible après l’épilation laser permanente, après le piercing un peu partout pour être quelqu’un, après Wikipedia™ en suppositoires à prendre la nuit de la veille du bac d’histoire-géo, est venu le selfie™. Le selfie™, ça n’est pas rien. C’est l’illustration d’un croisement, et à ce titre, l’illustration est imposante. L’autoportrait avait autrefois ce quelque chose de recherché dans l’absence, cette substance de l’être dans la dilution du moment, l’autoportrait était toujours regardé avec retard et contenait en germes la mélancolie qui donne les jolis souvenirs. Le selfie™ lui ajoute l’immédiateté de l’échange en ligne et, surtout, la standardisation fordiste de la chaîne de fabrication : une salle de bain plus ou moins Ikea™, un miroir et une bimbo nue, tout ira bien. J’aime les selfies de filles nues. J’ai maintenant la preuve de mon absence de soupçon juvénile : je ne savais pas vraiment que les filles aimaient qu’on les voit nues, qu’on les déshabille et plus si affinité. Je pensais que les filles n’aimaient pas ça. Qu’en quelque sorte, il fallait les forcer.

Nous les garçons avions la force de l’instinct.

Elles n’avaient guère le choix.

Le selfie volontaire nous prouve aujourd’hui que les filles sont comme les autres, malgré la standardisation bimboesque en devenir. Oui, j’ai quand même peur. Car d’autres l’ont dit : à part la bombe atomique, ce que la technologie permet, nous le faisons.

Voilà donc venu l’ère du selfie anal en 3D, un savant jeu de mots-clés pour Google™, à vous faire péter la rondelle de joie pour tous les obsédés solitaires de la toile mon enfant, et nous sommes nombreux. Après la GoPro™ pour filmer le mouvement, la Gonowhere pour se selfier l’anus, manière ultime d’en finir avec la post-modernité de nos corps, et montrer le tréfonds (retraite) de nos pensées, la vacuité de nos séants, et les plis de la chose sans repassage vapeur. Le selfie anal 3D : c’est l’avenir. Que montrer d’autre après cela ? Oui, la voilà l’ultime frontière américaine : montrer son cul et laisser des sbires le mouler sur une imprimante 3D, la nouvelle utopie cyberconne concoctée par ceux-là qui croient encore…

Salvador dort encore dans son grand lit de mort, mais déjà ses clones s’activent dans le silence, à regarder nos personnalités profondes. Il en vient des plafonds rococo en reliefs volcaniques, dans les palaces des hôtels pour les coupes du monde à venir. Qui sait même si la seule véritable signature freudienne de l’être n’est pas elle-même désignée toute entière dans l’anus, ce grand méconnu, cette intimité finale ? Hein ? Qui sait ?

Il n’y a plus de trou du cul du monde. Le village global célèbre les intimités disparues. Au-delà du cul, il y a l’intérieur, et chacun sait que l’intérieur est vide depuis que la fréquentation des librairies est en chute libre. L’anus est la porte vers ce vide. En cela, c’est la dernière frontière. Après lui, plus rien.

Ça n’est pas beau à voir.

L’autre jour en vélo, la putréfaction du gibier qui monte au nez. Une biche (pauvre Michael Jackson), morte dans un fossé, le cul couvert de mouches. J’ai alors compris l’utilité de l’enterrement : c’est par l’anus que l’on finit en plein air, pour peu que l’on soit coupé du monde, ou bien, allez savoir, que nous mourrions tous ensemble, le même jour.