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Ze chômeuse go on...
mercredi 21 mai 2014, par
Je précise en avant-propos que je SAIS en majuscule à quel point il convient de ne pas faire de jeux de mots. Le jeu de mots est passé, depuis toujours, même dans le Canard Enchaîné. Le jeu de mots, Derrida n’en faisait jamais, par exemple. Le jeu de mots vous fait passer pour un CON.
Mais : j’en ai rien à foutre.
Je suis chez le dentiste.
Marion Cotillard est tout sourire dans la salle d’attente où l’on vient de m’annoncer la douloureuse : enfant de prolo, va falloir payer la bonhommie des parents qu’ont vécu la guerre, la grande, la seconde, à te faire boire de l’eau sucrée pour mieux supporter la fin des bombardements pendant tes Trente Glorieuses. Voilà pour le décor. Un Paris-Match™ ou un truc de ce genre, peut-être un Télérama™ c’est pareil, bref, un support publicitaire, ce qui fait que Marion Cotillard est comme un magazine, en soi, c’est un support publicitaire. Bien sûr, elle incarne une chômeuse, une prolo, une cassosse en devenir (SIC) un jour dans un film déprimant des frères du même nom, de la bataille de quarante-quatre, en pleine campagne européenne, à la mi-décembre. Oui, elle va monter ou c’est déjà fait, le tapis rouge des palais niçois et puis elle oubliera tout cela, aussi vite que Léa Seydoux a déjà oublié les deux-cents lycéennes kidnappées par les tarés de la secte qui veut assassiner les livres - Boko Haram - dans ce désir foucaldien de merde visant à en finir avec ce que l’on confond du capitalisme : la liberté occidentale. C’est fou ce que l’on confond du rêve européen et du vent d’Amérique.
Je dois envoyer à ma mutuelle le devis pour mes dents, ça n’est pas rien. Je l’ai d’ailleurs déjà reçu et j’y suis de ma poche pour faire, moi aussi, illusion quant à mes dents, mais je préfère cela à une voiture neuve. Les dents, c’est quelque chose. Depuis tout petit, je sais bien que l’on me reconnaît à cela. Ça n’est pas pour rien que la standardisation taylorienne du sourire a finalement triomphé, de même que la bimbo devient le modèle du corps des femmes pour les gamins qui jouent à des jeux vidéo. Il faut que la femme-modèle soit pratique, conforme, peu joufflue mais étonnante quant au déploiement du téton et de la rondeur des fesses. Pour la personnalité : un tatouage suffira. Tatouage et personnalité, je veux dire "caractère" sont synonymes. C’est pas fantastique ça ? Pour le vide, il nous manquait juste une étiquette et, miracle, elle dure toute une vie !
Sur France-Culture, on nous parle de Romain Gary, un Européen qui avait compris ce qu’était le combat, tu penses bien. Les frais de mutuelle n’étaient pas dans son univers, et à l’époque, on ne kidnappait pas deux cents gamines en Afrique pour les assassiner. On assassinait suffisamment en Europe, l’Afrique pouvait attendre. Je ne sais pas qui a allumé la radio, nous nous sommes couchés si tard...
J’irais voter dimanche. Je propose, en bon anarchiste, que l’on aille tous voter dimanche, pour un quelconque parti écologiste, juste pour avoir raison quand, à coup sûr, une centrale de chez nous fera plus de deux-cents victimes bien proprettes, à retardement, juste le temps qu’il faudra pour que l’information transite de cerveaux d’énarques en cerveaux de polytechniciens, pendant que les Allemands continuent à rêver d’éoliennes. J’irais voter contre, n’importe quel Cohn-Bendit sur un T-shirt m’ira comme un gant, bien mieux que Cotillard en slogan pour un parfum Dior bio, j’adore. C’est fou comme le fondement de nos idées politiques est surtout dans l’oubli. Trois jours suffisent à effacer les catastrophes même japonaises. Dans trois jours déjà la nouveauté ira s’engouffrer dans le vide de nos consciences et, je l’assume : plus personne de par chez moi n’arrache les affiches où l’on voit la fille de Jean-Marie Le Pen appeler à la destruction de notre Europe, c’est-à-dire pas la sienne, afin de rétablir celle des peuples, du sang et des morts, et des chômeurs Marion, car ceux-là, les vaincus, ne ramèneront pas, manque d’imagination, les usines chinoises en territoire local. Il restera des rôles de chômeuses pour épater les bourgeoises globalisées : ze chômeuse go on.