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En finir avec la chanson française....

dimanche 6 avril 2014, par Grosse Fatigue

Jayna Brown.

C’est un lien. Car parfois le hasard mène les gens n’importe où, et un bon dessin vaut mieux qu’un mauvais discours. Jayna ne dessine pas. Mais elle peut remplacer quatre-vingt dix pour cent de la musique "française" actuelle 2014 à mon goût, le seul qui compte.

Et elle a douze ans.

C’est autre chose que Vanessa Paradis, Jacques Martin et l’école des fans.

L’autre soir, vers deux heures du matin, nous retombions en adolescence tardive avec des amis musiciens amateurs bien meilleurs que je ne pourrais l’espérer pour moi-même, mon tempo et ma mesure dont je manque en toutes choses. Il y avait des bouteilles de bière, deux canapés bas de gamme, rien au mur, une table en formica dans le salon et des toilettes défectueuses. C’était formidable d’écouter de la vraie musique en buvant la nuit.

C’est la nuit le breuvage dans la phrase précédente.

Ainsi donc nous buvions la nuit en râlant contre les imbéciles qui nous vantent de nouveaux artistes ou qui comparent Stromaé et Jacques Brel. La culture de l’amnésie et celle du divertissement ont fécondé du vide. Et des étudiants en école de commerce se demanderont comment relancer les ventes de disques à l’aide de la théorie du multicanal (SIC). Mourir de rire.

Les bières épanchaient nos soifs et Jayna nous consolaient bien que nous soyons nés au mauvais endroit à la mauvaise heure, et sans doute trop tard, en tout cas pour la chanson. On aurait dû essayer d’être cuisinier, mais à la vue des pattes qui pourrissaient sur le réchaud, c’était peine perdue. Je sais bien qu’il s’agit de la mauvaise orthographe mais celles-ci avaient triplé de volume et l’on aurait vraiment dit les membres inférieures d’un vertébré en décomposition. Le monde est parfois mou de beauté, comme les romans d’Amélie Nothomb. Et puis je suis si saoul, j’en ai tous les droits. Je voudrais être ministre de la musique en France, pleins pouvoirs.

Pourquoi nous impose-t-on David Guetta et pas Magda ? Une Grecque géniale qui chante à New-York en français sur des musiques latines, Olivia Ruiz, prends-en de la graine et disparais s’il te plaît ! Ou reste juste pour les photos. Bien sûr que t’es jolie : mais c’est accessoire. Cet accessoire qui nous rend la vie si pratique et la musique désespérante !

Je voudrais être ministre de la musique en France, pleins pouvoirs : il y aurait quelques changements.

Dès la maternelle, les musiciens au chômage iraient prodiguer leurs dons à des enfants défavorisés - tous les enfants français - afin que plus jamais nous n’entendions dans le public une majorité d’ignares taper sur les premiers et troisième temps de la musique moderne. D’autres encore les feraient chanter. Puis chacun prendrait l’avion pour le Venezuela, où les enfants des bidonvilles se font barytons. L’Afrique nous vendrait son ternaire, l’Orient ses quart de tons, Mozart son Mozart et Poulenc son concerto pour orgue. Il est des pays où l’on chante juste en famille.... Avec ma politique musicale, on ne serait pas en train de se lamenter de l’arrivée d’un parti et du départ des usines. On aurait la classe. On fabriquerait des pianos et l’on vendrait des sopranos. Bien sûr, nos mauvais chanteurs feraient moins les fiers et les DJs rempliraient enfin les lieux qui leur conviennent. Les asiles psychiatriques redonneraient du métier aux psychiatres, et David Guetta serait le nom d’une maladie mentale : celle qui ne permet pas de discerner le bon grain de l’ivraie.....

Mais je rêve et nous sommes. Nous NE sommes. Nous NE sommes plus très frais.

Je leur propose en souriant bêtement d’essayer de continuer à jouer dans nos soirées minables et sans public, car il faut persévérer.

Nous somme je.

Je suis nous.

Nous sommes seuls à vrai dire.