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L’urgence des chroniqueurs de droite

lundi 4 novembre 2013, par Grosse Fatigue

J’ai commencé à écrire une bafouille sur la vulgarité des gens de droite mais elle sonnait faux, elle était trop facile, scribouillarde. Les gens de droite sont aujourd’hui devenus très vulgaires, ils ne fréquentent plus les concerts classiques, adieu Mozart et Bach, les voilà en 4X4, à Marrakech, partouzeurs ou contre le mariage gay, qu’importe, ils sont vulgaires et sans retenue. Ils ont cru gagner de l’argent. C’est l’argent qui les a gagnés.

Et puis il y a les chroniqueurs de droite. Ne regardant que les documentaires animaliers sur Arté, voire quelques vieux films intemporels de temps en temps, je suis à l’abri d’Eric Zemmour et des autres dont j’ignore les noms. Quand la radio m’en parle, je n’y comprends pas grand-chose. J’ai donc regardé le sus-nommé sur Youtube histoire de voir. Puis j’ai dérivé sur un tas de types qui peuvent aujourd’hui parler dans l’écran, et dire n’importe quoi dans l’urgence, comme je le fais ici-même pour moi-même et deux ou trois autres qui m’envoient parfois un email afin que je n’oublie pas que nous sommes plusieurs milliards à l’autre bout du fil, ce qui continue à m’étonner, moi qui suis seul dans ma cuisine avec mes treize alevins de poissons rouges sauvés du bassin bientôt sous la glace si rien ne vient changer l’hiver : nous partageons l’aquarium.

Je viens de voir un ramassis de gens comme les autres, avec des idées des clichés, et beaucoup de n’importe quoi. Il me semble qu’autrefois, ces gens-là n’avaient pas pignon sur rue, même si celle-là leur servait trop souvent d’exutoire et leur permettait, pour peu qu’un fleuve coule dans les parages, d’y jeter un étranger dans la joie de l’ordure qu’ils incarnent.

Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus seuls. Le Super 8, c’est fini. Avec quelques euros, on peut se filmer devant une trentaine de semblables, et même en inviter d’autres, en découvrir, que dis-je ! En INVENTER !

Il était avant-hier difficile d’inventer des semblables, ils étaient dans leurs coins à ressasser. Aujourd’hui, ils donnent des conférences filmées en numérique sur les écrans du monde entier. Sont-ils plus nombreux pour autant ? Non. Mais plus ensemble, oui.

Que la télévision les invite est étonnant. C’est sans doute à cause de l’urgence, cette idée de la nouveauté qui fait la qualité aujourd’hui de toutes choses. Avoir quelque innovation à montrer, c’est tout ce qui compte, et il faut le montrer dans la minute, au plus vite. Les enfants sont si imbibés de cette nouveauté qu’un téléphone d’il y a deux ans ressemble à leurs yeux à quelque fossile. Alors quand les idées fossilisées d’une droite que l’on croyait enterrée en 1946 réapparaissent sous les atours de chroniqueurs mondains dans des émissions pas sérieuses, il y a quelque chose d’étrange. C’est que l’on est pressé de trouver une solution rapide à des questions dont seule la lenteur pourrait appréhender les dimensions. C’est pour cela que les universitaires se taisent et deviennent inutiles à tous, et pas seulement aux pauvres étudiants qui se meurent sur les bancs des amphis pendant que l’on a tant besoin de commerciaux et de télé-vendeurs. La démagogie faisant le reste, un type comme Zemmour peut nous entourlouper à coups de citations littéraires, son absence de recul est si évidente qu’elle est avant tout commerciale. Faire du beurre avec de mauvaises idées, c’est toujours faire du beurre. Car Zemmour est suffisamment intelligent pour savoir qu’un jour, quand ses jolies idées si évidentes, si terre à terre, seront mises en place par l’étrange gouvernement qu’il appelle de ses vœux, viendra un Robespierre ou un Adolf pour lui rappeler que le fascisme est sans fin, que son moteur a besoin d’un carburant pour avancer, et qu’il faut puiser loin pour trouver des bouc-émissaires. Georges Orwell l’avait bien compris, mais Orwell était un géant et un anarchiste, ce qui faisait sa grandeur, quand Zemmour est un nain médiatique qui cultive la vulgarité. La boucle est bouclée et la vulgarité s’en va fleurir notre avenir, à coups de Français de souche dont on ne saurait trop se méfier tant la définition des souches varie. Et puis, les souches sont toutes amenées à pourrir : il vaut mieux se méfier des métaphores.
Mon cher Eric - je te tutoie, l’époque est à cela et au tatouage, t’en souviens-tu ? - mon cher Eric (C’est un peu comme si tu n’avais pas plus de légitimité que moi, après tout, je chronique aussi, non ?), mon cher Eric (Tu m’es cher bien que tu ne m’intéresses guère, mais en tant que mot-clé, il me semble que tu vaux ton pesant d’or...).

Je disais donc : mon cher Eric, méfie-toi de tes amis. Ils sauront, le jour venu que tu attends et pas moi, te rappeler les évidences que tu rappelles aux Noirs ou aux Autres, ces vérités essentialistes qui en taraudent plus d’un, et je suis sûr que tu le sais déjà. Et cela m’attriste. Il y a tellement mieux à dire et à faire.