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La techno nique des ploucs

lundi 24 juin 2013, par Grosse Fatigue

Le 21 juin sous la pluie, je n’ai pas vu grand-chose. Je jouais sous une bâche. Mais dans les rues étroites de la vieille ville, ce spectacle terrible : un accordéoniste, un violoniste et un contrebassiste. Des types jeunes, hirsutes et sentimentaux. J’étais prêt à leur faire la bise, à les appeler mes frères bien que ça ne soit pas mon genre le communautarisme. J’étais prêt à écouter ce qu’ils allaient nous envoyer, dignement et sans frou-frou, dans le répertoire exigeant de ce type de formation, mousquetaires d’une musique qu’on enterre.

Tango.

Ah, du tango. J’adore le tango. Le 8/8, avec trois croches, trois croches, puis seulement deux, comme si c’était un rythme impair sous ses airs argentins. Et mieux : Libertango. Un chef d’œuvre trop joué mais jamais trop joué. Après l’introduction toute en nuance, il s’est mis à pleuvoir. A la fois de l’eau et un bruit répétitif, une sorte de rotative de presse ou un laminoir ou Billancourt en 1969. Un clavier compulsif en Do majeur répétait à 180 à la noire la même note, le do justement. Puis d’autres bruits sont venus troubler la pluie qui dégoulinait sur les gens affolés. Les musiciens se sont réfugiés sous un porche. Le DJ d’à-côté, presque d’en-face, autiste contemporain et victime d’une époque, enfant-roi consolé de l’absence des parents par l’intraveineuse sucrée des jeux vidéos et de la musique surgelée qu’il croit faire lui-même. Je sens les passants pas dupes, si ce n’est ses copains du Lycée Professionnel (racisme de classe, mais j’espère que c’est bien un lycée professionnel, qu’on me rassure : j’ai appris qu’on pouvait y passer un CAP "DJ", alors vos gueules les gauchistes). Les copains bougent zombis en buvant des bières debout plus ou moins, mais sans l’espérance et en saccades, sans l’espérance de Woodstock même si l’on voit où tout cela nous a menés. En même temps, je ne sais pas la cause, je ne veux pas savoir. J’ai fait un bout de chemin avec les trois vrais musiciens qui ont fini au fond d’un café avec des gens de mon âge, dans le bonheur d’un chocolat chaud ou d’un pinard inconnu d’un petit vigneron presque sans étiquette. Pour ma part par la suite et sur l’estrade, je regardais au loin les moins de trente ans rejoindre une autre plateforme de téléchargement direct du gavage auriculaire, un peu plus loin dans la rue. Ils avaient des lumières intermittentes et buvaient beaucoup pour ne pas trop se rendre compte.

Comme on dit aux Etats-Unis, ceux-là sont plein de merde. La techno nique des ploucs.

J’espère, je crois encore, sur les conseils d’une amie, qu’à toucher ainsi le fond, on rebondira.

Coup de cymbale final.