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Dominant/dominé : ce qu’il reste des théories de la gauche post-moderne.

lundi 4 février 2013, par Grosse Fatigue

Les sites de gauche ne jurent plus que par ça. Bourdieu doit se retourner dans sa tombe. Je ne m’en réjouis pas. C’est un peu de sa faute. Mais avoir publié autant de pages sur les héritiers, l’habitus, l’éthos de classe, la distinction, l’ontologie politique d’un schnock, pour finir sous la loupe du tandem dominant/dominé, ça me fait bien rire.

Quoique non.

Autrefois, la gauche avait de sacrés penseurs. Autrefois, la gauche avait l’injustice faite au prolétariat. Aujourd’hui, rien de tout cela. Aujourd’hui, ce réductionnisme formidable voit des dominants jusque dans les parents et leurs rapports avec les enfants ! (Merci Agnès). J’ai vu un dominant ce matin même dans la rue : un clodo avec une bière et un chien. De mon point de vue post-bourdieusien, je me suis mis immédiatement dans la peau du chien. De quel droit ce type peut-il tenir ce chien en laisse ? De quel droit lui gueule-t-il dessus ? Ah oui : c’est un dominé qui reproduit les schémas dont il est victime. Voilà pourquoi les punks à chiens ont de la bière dans la main droite et des chiens dans la main gauche : ils se vengent sur leurs clébards de la mondialisation. Car la mondialisation qui a fermé les usines où leurs pères travaillaient n’est que la conséquence de la volonté des dominants de dominer le monde, et de s’acheter le dernier Smartphone™ qui appelle nos amis juste quand on pense à eux , quand on en a.

Roy me souffle à l’oreille : "Tu perds toute ta crédibilité de sociologue à dériver comme ça, merde, fais un effort !"

J’essaye de me reprendre.

Mais rien à faire. Je revois mon punk à chien. Je revois son chien. Je pense que Michel Foucault n’avait pas de chien. Je pense que tout ça, c’est un peu de sa faute, même si c’est, à l’origine, la faute de cet imbécile de Derrida ou de Feyerabend dans la bouche de ceux qui ne l’ont pas lu, yeah.

Je pense surtout que la pensée de gauche est devenue minuscule, sans doute parce que les bons élèves font HEC et les mauvais, comme moi, vont remplir les facs de psycho et de socio pour éviter de gonfler les statistiques du chômage avant 25 ans, avant de devenir punks à chiens. Oui, c’est dur. Mais pour eux, il faut une théorie simplissime : dominant/dominé. Ça se conjugue à tous les temps, ça se cuisine à toutes les sauces, c’est comme on/off, ou David Guetta : c’est binaire, c’est l’époque. Bien entendu, ça nous conduit aujourd’hui là où l’on est. Mes copains de socio ou de psycho ont aujourd’hui bientôt la cinquantaine voire plus et partagent la honte des naïfs que nous étions dans les années quatre-vingts à croire tout ça. Nous nous battions pour l’égalité, et l’on a donné naissance aux femmes voilées qui ne sont autres - entre autres - que les filles des copines d’autrefois dont on voulait qu’elles jouissent sans entrave et comme nous aujourd’hui : sans joie, n’est-il pas ?

Heureusement, il reste des choses à dire face aux mensonges. Le combat pour la diversité est avant tout une diversion. [1] Les hommes de gauche se trompent à jeter l’autorité avec l’eau du bain, parce que l’on confond celle du professeur et celle du bidasse. Les politiques de gauche s’en moquent d’ailleurs totalement. Ils défendent la fin des notations en primaire, la fin de la compétition à l’école (laquelle d’ailleurs ?), ils exècrent les devoirs à la maison et roucoulent quand on parle de l’épanouissement de l’apprenant.

Leurs enfants sont dans le privé et on leur donne des cours du soir pour qu’ils intègrent les meilleures prépas et finissent à l’ENA. Bourdieu aura, entre autres, servi à ça. Pas un prolo dans les grandes écoles. L’illusionnisme le plus parfait.

J’ai finalement donné un coup de pied au chien du punk à chien. Il fallait bien que quelqu’un paye pour tout ça.