Quel âge avez-vous ?

L’extérieur présente clairement ma date de naissance. J’aimerais changer d’extérieur. C’est la peau le piège. Changer de peau juste pour faire illusion, je comprends les actrices hollywoodiennes. Je ne leur en veux pas. Trop respectueux de la nature pour influencer la mienne, je regarde ma gueule dans la glace tous les jours quand je tente d’être propre. Mais j’aimerais bien en sortir quand même parfois, pour me glisser dans celle que j’avais en 1984 quand, futile, je jubilais sous les frondaisons du parc : j’avais enfin le bac. J’aimerais bien retrouver ces moments d’apesanteur quand des filles inconnues retiraient leurs soutiens-gorges dans l’atmosphère embuée des soirées hivernales, une époque stable où l’on tentait de se faire du bien, même si je n’étais pas doué. C’est juste pour dire à ceux qui liraient et qui, comme moi en 1984, ne sauraient savourer leur chance, et même si ça n’est que l’automne ou toute autre saison, c’est juste pour dire ce que des vieux avec des lueurs un peu plus vives dans les yeux que les vieux depuis toujours, dire qu’il faut vraiment en profiter, de l’apesanteur. Il faudrait même s’y arrêter un bon moment, ne pas s’endormir, les regarder lentement, en panoramique, avec en bande-son une musique de musiciens et des crachotements.

Un type me dit un jour : "La quarantaine c’est pas mal, on est calmé et on a un peu de blé, c’est pas mal."

Le calme me prend lentement, et de loin. Pour le fric, je le vois au hasard dans une grille de loto, au petit bonheur la chance. Mais les filles qui se déshabillent parce qu’elles en ont envie, c’était bien.