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Votre moteur est allumé

samedi 26 mai 2012, par Grosse Fatigue

Depuis quelques temps je me prends par la main pour dire aux gens d’éteindre leur moteur devant la boulangerie. Je leur explique très gentiment sur le mode de la surprise que leur moteur est allumé. La plupart me répondent je sais. Ils savent.

Une obèse hier soir dans sa Peugeot la clope à gauche le tactile à droite, récupérait d’une journée commerciale à vendre des chaudières, comme le disait si bien sa portière, quand j’ai frappé au carreau. Elle était au courant. Pour le prix de l’essence, pas d’importance : note de frais. Dix franc le litre. Je compte en francs pour faire vrai, même si cette sorte de femme est sans doute trop jeune pour avoir connu le temps de la valeur des choses. Je lui explique doctement, sourire au lèvre, que sa voiture consommera bien moins si elle la redémarre dans cinq minutes, contrairement à une rumeur très répandue et plus du tout au goût du jour sur le coût du redémarrage. La preuve : on fabrique des automobiles qui coupent leurs moteurs au rouge pour se rallumer au vert. Ça fonctionne très mal mais c’est l’intention qui compte.

Madame vingt-cinq ans cholesterol me fait bien comprendre que consumer les réserves d’énergie fossile de la terre entière lui fait comme une belle jambe, du genre ni chaud ni froid au point où elle en est. Peu importe le résultat, mon évangélisme ne soulage que moi.

Aujourd’hui même topo. Madame bourgeoise effet Veblen garanti au volant d’un 4X4 aux phares allumés. Je l’intrigue en frappant au carreau et puis miracle, 20% d’après mes calculs. Elle ignorait la chose. Elle me remercie. Je crois à nouveau en l’humanité et j’ai presque envie de lire Jean-Paul Sartre, ou du moins son théâtre, parce qu’Heiddegger en français, c’est toujours aussi imbitable.

Je continue.

Sur le parking du gymnase, j’ouvre ma portière. Je tombe sur un client formidable. Masse corporelle à douter de son espérance de vie, style sans style habituel à l’époque où tout ce veau, etc. Je lui précise le prix de l’essence etc. Il me répond qu’il sait tout cela. Mais qu’il aime bien avoir son moteur allumé. Le voilà le con universel, l’idéal-type, le mètre-étalon. Sa femme rapplique n’y comprenant rien de plus. Je lui demande juste s’il aime consommer plus d’essence à l’arrêt, si la pollution, tout cela. Et puis je lui dis que c’est sa liberté, en rêvant d’une sorte de dictature très ponctuelle de l’écologie, d’un sabre laser recyclable pour le découper en rondelles et nourrir immédiatement ses cousins porcins dans la première ferme bio du coin. Je rêve d’un peu moins de liberté pour les cons.

J’en souffre depuis pas moins que tout à l’heure, tant d’années d’évolutions, de Toumaï à Lucie en passant par Anémone Giscard d’Estaing, pour comprendre à quel point la démocratie contemporaine a comme un défaut. Trop d’Etat tue l’Etat, trop d’impôts tue l’impôt, trop de liberté tue.

Tant de cons et si peu d’espoir.