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J’attends la pluie

mardi 17 avril 2012, par Grosse Fatigue

Le terrain est sec comme le gravier d’un cimetière. Les insectes ont disparu et me font comme une obsession. Des espaces se forment entre les touffes d’herbes et j’attends les boules de buissons vagabonds au gré du vent, comme dans les films américains. Ça sent le western. Putain d’avril sans pluie. Pour les archéologues qui viendront, il faut savoir qu’avril 2012 est aussi sec que Delphine autrefois. Pas une goutte. Pas une larve. Plus rien ne pourrit nulle part, sauf au loin les candidats en campagne, de ridicule en ridicule, de promesses en promesses, comme si l’on croyait encore à quelque chose de bien après 1983. La candidate trotskiste est enkystée par nature, sèche et stérile et sans joie, un arbuste mort depuis toujours, et fière de l’être. Qu’attendre de plus sinon la pluie ?

Sarkozy parlait à la radio ce matin. Même ballet ridicule de questions des auditeurs. Soyons polis avec les menteurs et l’entourloupe bon sang. Bonjour monsieur le président qu’il faut dire. Il faut pas l’injurier. L’injure, c’est lui, n’est-il pas ? Je l’entends en attendant la météo. Aujourd’hui, dans l’après-midi, il devrait pleuvoir, aussi sûr que l’autre va partir. La suite ne sera pas très rose pour ceux qui n’ont plus d’usine où finir avec un cancer professionnel. On a délocalisé les cancers professionnels en Asie. Il y a, là-bas, une saison des pluies. Ici, c’est la saison des cons. Sur les ondes.

Les pommes de terre ont germé mais hésitent à sortir. Deux ou trois feuilles maximum. Et j’entends Cécile me parler de mes écrits. Elle qui ne disait pas grand-chose et qui aimait Dominique A., ce qui était de très mauvaise augure. Cécile qui me dit mais qu’est-ce qu’on en a à foutre de tes pommes de terre dans ton potager à la con ? Tu ferais mieux de faire de la purée Mousseline™, les gamins préfèrent et ça ferait de la place pour le gazon ! Et tu y mettrais un peu d’engrais à ton terrain, il serait moins sec.

J’en ai connu des connes. Et des cons aussi. Ça pousse à tout bout de champs, pluie ou pas pluie.

Tu peux toujours me traiter de conne, c’est toi qui n’aboutit à rien. Tes petits textes lus par trois pékins, ton jardin sec, tes sorties en vélo, qu’est-ce qu’on en a à foutre ?

Je lui demande si elle veut du thé. Je lui fais du thé. En regardant les nuages. J’ai éteint la radio. France-Inter me fatigue. Incroyable le nombre de nombrils que l’on peut entendre sur la radio publique. Et ça parle de soi entre-soi. Et Cécile me dit d’arrêter un peu de tourner en rond.

J’ai froid aux doigts, c’est pour ça que j’écris un peu sur la pluie. Pour me réchauffer. Le sentiment de ma médiocrité est vagabond. Il va il vient. C’est mieux qu’une chanson de Dominique A, mais c’est pas terrible. J’admire les auteurs qui délayent, comme Houellebecq. Parler d’une carte et d’un territoire, aller dans le détail du néant, n’avoir absolument aucun style, être pâle comme un linge, et vendre des livres : le bonheur. Déjà je fatigue.

J’attends la pluie.

Concentre-toi sur un thème, au moins, merde ! me dit Cécile.

Je sais bien qu’elle aime que l’on parle d’elle sur internet. Je lui mets son suppositoire et je la replie gentiment avant de la déposer dans le placard de mes obsessions, entre Delphine et Pamela. Elle se calme. En attendant la pluie.