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Une envie de femmes nues

lundi 4 janvier 2016, par Grosse Fatigue

J’ai envie de voir des femmes nues. Plein de femmes nues entassées et joyeuses devant mon manque d’objectifs dans la vie. Des femmes comme s’il en pleuvait, avec des peaux tendues sur des squelettes vivants, on boirait du thé comme si de rien n’était, elles me demanderaient l’éternité à défaut de l’extase, et je les convaincrais de mes aptitudes photographiques. Je les voudrais joyeuses et sans tabous, comme dignes de confiance. Et romantiques aussi.

L’une d’elle vient justement de me relancer. J’ai été très étonné. Elle était plutôt froide au début. Mais là, devant la machine à café que je venais - exprès - de débrancher, elle me dit : "Je pose quand pour toi ?". Elle était en mini-jupe et bottes de cuir, une sorte de Bardot post-moderne, qui aurait l’accent de Bordeaux et l’enthousiasme printanier. Elle ressemble à Druuna™, la créature qui n’existe pas, elle a un côté années soixante-dix qui l’ont vu naître, c’est un fantasme, et ce fantasme me parle : "Je pose quand pour toi ? "

D’habitude, elle me fuit, je la vois auprès d’un photocopieur, je cherche un déguisement de photocopieur, pour qu’elle appuie sur moi à des endroits stratégiques, sait-on jamais. Mais les déguisements de photocopieurs sont rares, je n’ai rien trouvé, et je la vois légèrement vieillir. J’ausculte de loin son architecture remarquable : les jolies femmes plastiques sont avant tout un squelette bien équilibré. J’imagine qu’il en va de soi aussi pour les hommes mais ça ne m’intéresse pas le moins du monde. Je suis d’ailleurs moi-même doté d’un physique assez mal proportionné et l’on s’en fout.

Je partage donc avec Druuna™ un thé trop chaud. Les vacances lui ont fait du bien. Elle me fait penser à ces filles sur Facebook™ je crois, qui se prennent en photo tous les matins sur une plage exotique, en faisant une moue idiote, avec ce regard absurde, et un maillot de bain affriolant. Sauf que cette fois-ci, elle me parle normalement, et que je pense sincèrement et d’une manière quasi-éthologique mon cher Konrad Lorenz, à la forme exacte de ses fesses, et à la perspective proposée une fois totalement nue. Serais-je déçu ?

Etre déçu, c’est déjà être un mauvais photographe. J’ai fait l’autre jour des photos d’une inconnue qui, par amis interposés, voulait un "souvenir d’elle à trente ans". Il vaut mieux parfois perdre la tête. Toutes les photos étaient ratées. Je ne l’ai pas rappelée. Et je n’ai pas l’excuse du développement raté. A l’ère numérique, ce type de mensonge ne passe plus. Et le pire, c’est qu’elle a vu au dos de l’appareil les premiers clichés disons très ..... clichés.

Alors j’ai envie d’autres femmes nues, comme des statues de chairs mouvantes, limaces grimaçantes et affolées, qui glisseraient par dizaines dans un canapé sous la verrière d’une lumière exposée au nord, en plein hiver.

J’attends l’ivresse de cette vue-là, et la modestie qu’elle propose, caché derrière un objectif dont j’aurais perdu la cause.