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Impression d’un après-midi d’hiver après la catastrophe

lundi 21 décembre 2015, par Grosse Fatigue

Avec la petite, nous faisons des macarons. Mais comme la recette est compliquée, je sens que tout est foiré. La pâte est bonne, il faudrait presque la manger comme ça. On a oublié le beurre, mais le beurre, ça n’est pas pour la pâte. Les proportions sont celles de la crème que l’on met dedans. Et l’on a doublé les mauvaises proportions pour recevoir des amis demain midi. Et le petit crie au premier étage. Il a un mal de chien. Il faut que ça passe. La chatte est avec lui, qui veille au grain. Le grand a invité des copains.

Je regarde quatre adolescents jouer au foot avec un ballon dégonflé, plus dégonflé que leurs quatre nez d’adolescents, visages où les traits de l’enfance s’en vont, ne laissant rien savoir de ce qu’ils seront dans deux ans.

Où serons-nous dans deux ans ?

C’est Noël dans trois jours et c’est lundi aussi. Le cochon d’Inde a une tumeur de la face et pas une infection de la dent. La vétérinaire me dit qu’il y a des papiers à faire et la petite fait du caramel. Elle a compris quand je lui ai dit qu’on allait l’enterrer. Elle est triste.

C’est bientôt Noël et les adolescents jouent au football en T-shirts en décembre. C’est bientôt Noël et le petit est malade. Mais à la radio, j’entends ma copine d’enfance, Véronique Gens, qui chante et qui danse, et qui nous parle de sa vie merveilleuse, de salle en salle, de répertoire en répertoire. Elle nous raconte ses cinq ans à la chorale, et je me souviens des mardis soirs quand elle y allait. Moi, je rentrais voir ma mère, qui repassait le linge devant la télévision en noir et blanc.

Les adolescents en T-shirts n’ont pas de très bonnes notes. Ils jouent aux cartes comme on jouait aux cartes, ils ne fument pas ou se cachent, ce sont des enfants dans la tiédeur du réchauffement climatique, des enfants qui s’enfuient d’eux-mêmes, où serons-nous dans deux ans ?

Drôle de Noël que j’aimerais fuir. Drôle de temps et de lieux. Drôle de gens aussi, en général.

J’ai l’impression que je n’ai enfin plus rien à dire, plus rien du tout, un vide intérieur, plus rien à me dire à moi, moi-même, moi-je, moi qui ne suis plus rien, j’ai l’impression que je peux enfin me taire et regarder autour de moi sans commenter.