GROSSE FATIGUE cause toujours....

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Munich

lundi 14 décembre 2015, par Grosse Fatigue

Hier, 13 décembre 2015. Je ne me souviens déjà plus du temps qu’il faisait. Comme tout le monde, je suis amnésique.

Demain, mardi 15 décembre 2015. Je passe devant une juge pour expliquer que je suis un bon père.

Hier : les gens sont contents. Le Front National n’est pas passé. "Le FN enregistre un score record avec plus de sept millions de voix." J’ai parlé aux gens du bureau de vote. Il paraît qu’il y avait trois personnes de plus que la semaine d’avant.

Et la vie continue.

La douche est passée, bien froide : c’est l’hiver. Mais on nous annonce déjà un autre n’importe quoi : Fabius aurait réussi à maintenir la température à un degré et demi. Pourvu que les Américains ne confondent pas Celsius avec Fahrenheit....

Comme à chaque fois, le temps passe. Je répète : comme à chaque fois, le temps passe.

Demain, je tire un trait légal sur dix-sept ans avec la femme de ma vie. J’ai confondu son mystère avec de l’amour. Enfin bon, je n’en suis pas bien sûr. Elle demande la garde complète de mes enfants, elle en a parlé au plus grand. On peut poignarder dans le dos les gens qu’on aimait. J’en suis bien incapable. Mais ça fait peur.

Ils sont sept millions, et sans doute plus.

Que l’on ne se fasse pas d’illusions. Le jour de mars 1984, quand monsieur Tassin, ce formidable professeur d’histoire en Terminale, nous a parlé de Daladier, j’ai compris la farce, et je m’en souviens. Et j’en ai lu des livres pour comprendre. Et j’ai compris :

NOUS NOUS BERÇONS D’ILLUSIONS.

C’est même le propre de l’homme, avec la bêtise, le plaisir sadique, l’amour des gros seins, la nostalgie. Quoique : je crois que certains chats sont nostalgiques aussi. Enfin peut-être.

Bientôt donc, les sept millions ne changeront pas d’avis. Petits commerçants, prolos sans chaîne de montage, éloignés du centre-ville, paysans déclassés, méchants Pieds-Noirs et fils de., employés stressés, racistes fondamentaux ou racistes superficiels, immigrés intégrés et fiers de l’être, cons en tous genres, nourris de télévision, de confort plastique, de voyages à destination. Sept millions de gens contre moi et mes enfants. Je ne suis pas sûr de compter autant d’amis.

Contre moi demain, quelques attestations.... Parfois c’est tellement énorme que je ne me souviens plus du passé. Ai-je fait de mon mieux ?

Le passé s’écroule et l’avenir contient sept millions d’individus sans compter ceux qui, dans leur entourage, se taisent pour l’instant.

Ajoutez à la sauce le mur de mes cinquante ans et la beauté des femmes qui en ont trente ou quarante, le contraste est salé, comme la mer à Biarritz les soirs d’été.

Je demanderais bien de l’aide si je ne me sentais pas, finalement ce matin, relativement serein.