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Dormir avec Sophie

lundi 28 septembre 2015, par Grosse Fatigue

L’autre soir, j’ai dormi chez Sophie. Elle m’avait préparé une raclette, elle ne comprend pas encore que mon corps d’athlète préfèrerait éviter la raclette qui promet la raclée mais finalement j’ai accepté. Comme je suis gourmand, j’en ai repris.

J’ai dormi chez Sophie.

Sophie habite sous les toits de Paris. La pluie cogne sur le zinc et les toits de Paris sont en retard en matière d’isolation. De sa fenêtre à deux heures du matin, j’ai vu les amoureux de Doisneau un coup dans le nez, sur la chaussée mouillée. Sophie dormait à poings fermés.

Sophie me prend et m’enlace, et m’embrasse et me dévore. Sophie est comme un poulpe la nuit dans mon dos. Sophie c’est quelque chose. A vrai dire, je ne me souvenais pas que les femmes étaient comme ça. C’est tout juste si elle ne m’offre pas des fleurs alors ça me fait un peu de peine, je ne me sens pas à la hauteur. Je regarde les gens Rue de Rivoli qui déambulent dans la nuit Bogart sans la clope tout nu dans la lumière blanche. C’est ma maîtresse tout autant que la nuit et les insomnies qui l’accompagnent. Mes enfants dorment loin et je n’aurais jamais cru, qu’on se rencontrerait. Le hasard est curieux....

Son corps de danseuse est un étonnement permanent. Les danseuses dansent souplement et moi je ne sais pas danser. Elle s’enroule et me touche le dos, comme si j’étais vraiment important. Je n’ai pas connu cela depuis si longtemps. Depuis Astrid. Depuis Nathalie. Depuis le siècle dernier. J’avais oublié, gommé, la réalité simple. Quand on aime, on ne compte pas. Sophie ne me demande pas si je me suis brossé les dents, ou si j’ai pris une douche. Sophie ne se prive pas, elle se sert, et j’acquiesce. Jean-Denis m’avait raconté tout cela. Il m’avait dit que le monde était plein de femmes aimantes et lascives et tendres et voilà.

Elle me dit de ne pas m’inquiéter. De ne pas avoir peur. Qu’il faut juste se refaire à la vie, revenir au désir, à la sensibilité. Se laisser aller. Comme pour danser, comme pour la musique : se laisser aller.

J’avais tout oublié.

L’autre nuit, il a fallu que je la décolle de moi. Il était cinq heures du matin, je devais prendre le premier train, c’était assez compliqué, j’avais calculé mon coup, le métro et la voilà qui parlait dans son sommeil en m’enlaçant. Je la repoussais mais la somnambule se collait, la pieuvre, et rien à faire.

Le métro sentait le froid et le sec et sa lumière néon me piquait les yeux. Sur les tapis roulants, j’avançais en tâtonant. J’ai retrouvé ses cheveux sur mon pull, en arrivant à la gare. Dans le TGV, j’en ai fait une tresse à trois fils.

Elle m’a dit : tu es à la recherche du temps perdu.

C’était drôlement dit.

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