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Une roue de secours

vendredi 4 septembre 2015, par Grosse Fatigue

Il y a cette femme qui m’aime et qui m’a sauvé la vie quand je rampais à tâtons, en hiver. A l’époque, la femme que j’aimais partait pour un autre en nous inventant un cauchemar qui court encore, et pas que la nuit. On n’imagine pas que l’on aime son assassin. On n’imagine qu’à peine. On ne sait pas imaginer l’impossible, le coup de couteau dans le dos. On n’imagine pas.

On n’imagine pas non plus l’attachement. C’est terrible : c’est biologique. Il faut que ça passe. On a beau y penser, on a beau se raisonner, on a beau se dire que. Des Mathilde de Brel, voilà : ça reste dans nos cœurs, on n’y peut rien. Et pire, avec quatre enfants en ribambelles, c’est pire, pire, pire. Ajoutez à cela un culte de la photographie et leur mère comme plus beau modèle depuis toujours et depuis si longtemps. Ajoutez encore une tendance mélancolique à la nostalgie à cause des pertes antérieures, un goût de l’enfance sans limite à cause d’un dégoût de l’âge adulte sans limite non plus. Belle bouillabaisse. Faites un tableau dans Excel™, pertes et profits. Ça ne servira à rien. Je vois dans mes enfants leur mère. A chaque instant qui passe, malgré le couteau et ce bonheur abject dont l’autre me fait la publicité. Je vois mes enfants.

Alors la femme qui m’a sauvé me dit qu’elle en a marre. Elle me dit qu’elle en a marre. Marre. Elle me le fait sentir. Elle me dit regarde-moi. Pense un peu à moi. Elle me dit qu’elle est là.

Car avec elle, tout est mieux. Les instants volés. Le désir. La tendresse. Avec elle, tout est vrai. Tout est maintenant. Tout est enthousiasme. Il n’y a pas de doute. Pas de rêve non plus. Il y a juste ce mur de béton des dix-sept ans qui viennent de passer avec la mère des petits. Je cherche un marteau-piqueur, ou une solution. Quelqu’un a-t-il une solution ?

Elle me dit voilà : elle ne t’aime pas. On ne fait pas cela aux gens qu’on aime. C’est la vérité. On ne s’en va pas quand on aime encore. On ne revient pas quand on sait qu’on ne va pas rester. On ne repart pas quand on est revenu. Et l’on avoue que oui désolé, je ne t’aime plus. Si l’on ne fait rien de tout cela, c’est qu’on te mène en bateau. On ne demande pas à celui qu’on aime un ou deux ans de patience. Quand on aime, on ne compte pas, et surtout pas en années. Quand on aime, il y a des règles simples : il y a de l’élan. De l’enthousiasme, de la joie. Même après une erreur d’aiguillage, il devrait y avoir tout cela.

Mais rien.

Sophie me dit cela. Et j’entends. On boit du Lapsang-Souchong ou du Lapsang Voulzyg je ne sais plus, mais ça me rappelle l’appartement d’une amie dans le Marais, avant qu’elle ne devienne folle. Beaucoup de gens deviennent fous, voilà ce qui nous différencie vraiment des animaux.
Le thé, j’aime son odeur et son goût amer. Sophie, je lui parle trop de moi et pas assez d’elle. Elle me soutient mais n’en peut plus.

Particulier cherche solution simple à séparation douloureuse. Même si tout allait mieux jusqu’en juillet. Ancienne femme de sa vie revenue. Puis repartie. Plaie ouverte.

Faire offre ici-même. Marabouts bienvenus. Anthropophages, sophrologues, charlatans en tous genres : bienvenue. Psychanalystes, rebouteux, radiologues véreux, banquiers malhonnêtes, n’importe qui : à l’aide.