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Des verrues

jeudi 3 septembre 2015, par Grosse Fatigue

Ce soir, la mère de mes enfants est venue à la maison. Elle a amené ses jolies jambes, ses talons, son beau visage, son petit nez, ses yeux de biche. Je lui ai offert "Boussole" le dernier bouquin de Mathias Enard. Je lui ai dédicacé bien que je ne l’ai pas écrit. J’ai mis : livre d’adieu. Quelque chose comme ça. Comme elle a perdu le cap....

Puis le petit a soufflé les bougies.

Puis elle est partie.

J’étais en colère.

J’ai filmé le petit soufflant les sept bougies. Un visiteur venant de mars aurait trouvé que l’on était une belle famille. Le problème est qu’elle est revenue vers moi et repartie vers son gros abruti. Et ce soir, je lui ai demandé de me jurer de ne plus venir me chercher : j’ai besoin de vivre ma vie à moi. Elle n’a pas voulu. C’est que je suis une sorte d’assurance. Père de ses enfants, disponible, trahi, plein de bons sentiments. On prend on jette : la mode. Alors j’ai pris sur moi quand elle est partie. Je suis monté dans sa voiture et je lui ai demandé de me jurer de ne plus jamais venir m’emmerder. Elle m’a trouvé grossier - il y a trois jours, elle m’a demandé de me "tirer" de son appartement, après une discussion même pas houleuse sur la manière d’en finir - elle m’a trouvé grossier. Ça l’a foutue en rogne que je sois comme elle, d’un coup, moi, le mari trompé, tout ça. Elle m’a dit qu’elle ne reviendrait pas. Une heure avant, et même un jour avant, elle me demandait de l’attendre un an ou deux.... J’étais vraiment trop impatient et sans tendresse...

J’ai soufflé un bon coup. J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai réussi.

J’espère tenir le coup.

C’est qu’il me reste des sentiments, et que ces trucs-là ressemblent aux verrues : on ne sait pas quand ça vient ni quand ça s’en va. Alors, quand on en a plein les doigts, il faut attendre. On ne peut pas se couper les doigts. Il y a bien une herbe aux racines oranges, la chélidoine, mais ça ne marche pas à chaque fois.

Pour l’amour, il faut se forcer. Alors là, si je résume, il a quand même fallu que je me force. C’est que, l’année dernière, elle l’a amené chez moi en ma présence, qu’il s’est même voulu sympathique. Tous les gens qui le connaissaient avaient renommé l’échelle de la connerie en son nom. C’était le Richter de la bêtise bourgeoise..... .Et puis il est venu manger. Il est venu voir comment étaient mes enfants... Et j’ai essayé de la retenir pendant trois mois, et puis elle est partie vivre chez lui avec mes enfants, non mais ma pauvre dame : un CAU-CHE-MAR !!! Mes mômes étaient des morts-vivants chaque vendredi. Un cauchemar... C’était l’ex-mari de sa meilleure amie, autant dire passé pertes et profits...

Et puis voilà qu’elle n’est pas heureuse, qu’elle revient gratter à la porte, et moi, des verrues plein les doigts, qu’est-ce que je peux faire ? Ah le con. Le con ! La mère de quatre enfants !

Mais là, j’ai pris mon courage à deux mains. Elle a rouvert la plaie béante de la clôture de l’amour...

Alors je me dis que l’on ne sait jamais... Non, on ne sait jamais avec qui l’on vit. Jamais. Qui aurait imaginé tout cela ? Pas moi. Son départ ? Pas moi. Avec un gros con facho ? Pas moi. Son retour ? Pas moi. Mes verrues ? Pas moi. Non, je ne comprends rien à rien. Jean Gabin en avait fait une chanson, et mon père adorait - une histoire de génération - et je m’avoue chaque jour que je ne comprends rien à rien, à rien.

Mais je souffle.