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Trois amis en mai

vendredi 15 mai 2015, par Grosse Fatigue

Nous sommes partis vers le nord-ouest face au vent du matin. Nous étions trois amis sur des vélos asiatiques avec des autocollants dessus. J’ai repris le vélo, je veux dire que le vélo m’a repris. Si j’en bave encore pour mes enfants de divorcés, moi, ça va : le vélo m’a repris.

Nous sommes partis vers le nord-ouest sur une route de mes connaissances, de ces routes sans camion et sans automobiliste. Nous avons traversé dans la fraîcheur du matin des villages déserts, nous faisant croire à un quelconque génocide. Vincent criait dans les rues des bourgs : "Putain y’a des survivants ? Y’a quelqu’un ?". Un vieux est sorti d’une cour, lui tendant la main : c’était la Libération. Il m’a dit : "GF, un génocide n’est jamais quelconque.".

J’ai ensuite inventé son histoire, mais je crois qu’il avait raison. Il nous a dit que moins ils étaient, plus les champs grandissaient. On arrachait les haies pour planter plus large et surtout pour mieux récolter. La terre est complètement stérile, mais on balance tellement de saloperies couillon (il dit "couillon"), que ça pousse quand même. Si t’arrêtes un an, c’est le Sahara par ici. Même s’il pleut. Ou alors, des herbes résistantes dont on ne connaît pas les noms. Des champs à perte de vue et du blé déjà haut. Le tout engraissé aux dérivés pétroliers. La disparition des haies favorise le vent, et les platitudes. Il n’y a plus de paysage, il n’y a que l’horizon, avec des camions au loin et les traces des avions dans le ciel.

Nous sommes revenus avec le vent dans le dos, comme trois grands enfants sans les pieds sur les pédales, comme dans un film de Sautet ou bien l’une de ces comédies d’autrefois sur l’amitié, où l’on pleure quand on sait que l’un des acteurs est mort. Yves Montand, Picoli, Noiret. J’ai vu une R16 sous un hangar, et deux coccinelles oranges. Hier, dans mon potager, une magnifique coccinelle noire à pois rouges. Espèce invasive made in China. Des oiseaux chantaient dans les bourgs déserts et une couleuvre énorme prenait le soleil sur le bitume humide d’une piste cyclable que personne ne fréquente car elle part de nulle part pour aller nulle part. Un problème de subventions publiques sans public.

Il nous restera un bon moment d’amitié, trois amis en mai, à pédaler dans le désert de nos convictions écologiques. J’ai lu le Canard Enchaîné hier, je sais de quoi il en retourne. Aucun élu écologiste pour proposer quoi que ce soit. J’ai lu dans Siné Mensuel les déclarations de l’une d’elles à propos de Jean-Vincent Placé, le sénateur dodu et inutile (SIC). Il paraît qu’il n’a jamais rien proposé d’écologique et qu’il vivrait à Paris, restaurant midi et soir. Portrait d’un inutile... Je lui mettrais bien ses grosses fesses sur un vélo, un vélo acier made in France, pour qu’il la traverse et voit l’étendue de ses propres dégâts, à lui, de cette vacuité qui nous gouverne, de l’histoire qui ne retiendra rien si ce n’est le poids des lobbys que contient son gros estomac de bien nourri beurk.

Et puis les champs.

Le blé.

Bientôt les tournesols.

A perte de vue : l’avenir.