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De la boue, de la nature.

vendredi 12 décembre 2014, par Grosse Fatigue

Le potager hiberne. Je vais y faire un tour de temps en temps, pour en sortir quelques betteraves rouges et riquiqui, sans trop insister. Les choux-fleurs ont fondu sous les attaques des limaces, ils se sont écroulés comme des paquebots sur les côtes italiennes, puis finissent par sombrer dans une biomasse salutaire. Les lombrics font leur travail en sous-sol, vieille boîte de jazz insalubre pour l’humain du XXIème siècle.

Je viens à la fois d’acheter un bouquin sur les touristes qui ne sont pas des voyageurs, tout en entendant à la radio un défenseur des zones inondables, et avoir lu un article sur les Center Parcs, ces lotissements en forêt pour les gens qui habitent dans des villes et ne veulent pas se salir les pieds.

Quelle tristesse.

J’apprends de plus qu’un éléphant disparaît tous les quarts d’heure. Dans dix ans, plus d’éléphant. En Asie peut-être, mais en Afrique, c’est fini. Dix ans, c’est toujours ce laps de temps qui nous sépare d’une certaine fin du monde dont nous fûmes informés il y a dix ans. C’est mal de fumer.

Heureusement, il y a la libéralisation des autocars. Tout ira mieux.

Tout ira mieux : nous sommes Américains. Je sais que ça n’intéresse personne. Mais vraiment personne. Surtout pas ceux qui ne rêvent que de cette Amérique-là, ce ventre gigantesque et sans limite, qui domine et exploite la nature, et préfèrerait mettre mon potager sous serre, pour que mes tomates poussent hors-sol toute l’année. Après tout, money is money. Si l’Afghanistan n’était pas aussi réactionnaire, j’aurais aimé y voir une bouffée d’oxygène.

J’aimerais qu’un pays soit un modèle définitif en matière d’écologie, car nous ne faisons que nous copier les uns les autres, et plus la solution est mauvaise, et plus elle est rentable, et plus elle est reprise. Si l’on s’inspirait du Vénézuela et du Sistema pour la musique, il faudrait maintenant trouver un pays qui saurait faire vivre sa population à coup d’éducation populaire, de lecture et de musique dans les bars. Tout irait plus lentement. Les enfants joueraient avec des bâtons, de vrais arbres et il y aurait des cabanes dedans. Les gens auraient de la lecture dans les toilettes, du vieux parquet dans leurs cuisines, et l’on referait tout à l’ancienne, comme si l’ancienne voulait vraiment dire quelque chose. Les écrans finiraient presque tous chez Emmaüs et n’intéresseraient plus personne.

Je ne sais pas où est ce pays, ni même s’il existe. Mais je crois que les citoyens de celui-ci se promènent parmi les autres en attendant d’être majoritaires, c’est-à-dire vraiment trop vieux.