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Tout envoyer valser.

dimanche 7 décembre 2014, par Grosse Fatigue

La fumée de la cheminée du voisin indique au fond du jardin un vent d’ouest bien trompeur. Il gèle. J’ai ouvert la version européenne de Time. En couverture, Mark Zuckerberg à la conquête du monde. Je voulais à l’origine lui proposer de tout abandonner et de se lancer dans le vélo, me sentant moi-même coupable de ne pas être parti avec le club ce matin. Je me suis contenté de demander aux deux plus petits de prendre le maigre peloton en photo du haut de la fenêtre car le parcours d’aujourd’hui passait devant notre maison. Ils étaient dix et se passeront de moi, ce qui est presque un proverbe dans ma tête, du moins pour la seconde partie de cette première phrase.

Que l’on se passe de moi.

J’ai lu dans Télérama (la honte) l’interview de Birkin la semaine dernière. J’ai bien fait. La voilà sympathique. Elle avoue son absence totale de talent, et je lui en trouve un, si possible : l’honnêteté. Elle nous parle de Bardot qui n’avait aucune ambition et une beauté sublime. On finit mal. En sautant d’un magazine à l’autre face à l’herbe gelée derrière la vitre, je fais un lien entre les frères Dardenne et Chaplin. J’ai loué par hasard Deux jours une nuit. Time en parle. J’ai vu et revu Les Temps Modernes avec une majuscule à chaque mot.

Voilà les ingrédients du menu de ma journée. La recette est peu équilibrée, mais j’y vois quelque chose. J’écoute Michel Polnareff.

Je déteste les films des frères Dardenne. J’aime quand il y a des héros, quand on tient une promesse. Chez Chaplin, il y a le mouton noir du début, lui, Chaplin, dans la foule des ouvriers. Chez les Dardenne, il y a Marion Cotillard qui quémande son job. Une ouvrière sans intérêt, sans rébellion, une ras les pâquerettes. Un film totalement nul, - 272°, le zéro absolu. Si l’art doit se contenter de copier la monotonie, autant oublier l’art. Finalement, Dardenne et Koons, même combat.

Platitude des quotidiens.

A cette heure-ci, mes copains cyclistes ont sans doute les doigts gelés.

Polnareff se demande s’il a choisi le bon sentier.

Marion Cotillard dit la même chose à chaque scène.

Il est trop tard pour tout envoyer valser. Mes ingrédients disparates forment une valse ce dimanche matin. Tout envoyer valser, pour parler poliment. Voilà à quoi je pense en lisant l’article sur le patron de Facebook™, en regardant l’image noir & blanc de Chaplin et Marion Cotillard qui mange une glace. L’herbe est toujours gelée.

Tout envoyer valser. Avec Bruce Willis en premier plan.

J’ai cette pensée tapie en moi depuis toujours Bernard [1]. Voilà la recette des ratés. Il faudrait que les Dardenne fassent un film sur un ouvrier de Facebook™ qui fout le feu au réseau et devient un super-héros planétaire. Des terroristes feraient sauter Google™ en Californie. Les usines d’esclaves chinois du sous-traitant d’Apple™ se videraient toutes d’un coup. Mes étudiantes arrêteraient de tapoter "G menui" en cours. On ouvrirait les fenêtres, les vraies.

Et tout le monde se mettrait à faire du vélo. Je dis bien tout le monde.

Je crois que je culpabilise.

A cette heure-ci, les gars de mon club ont les orteils gelés.

Polnareff chante On ira tous au paradis.

J’en doute.


[1L’un des prénoms les plus courants dans mon club cycliste