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A quoi ressemble un topinambour ?

mercredi 19 novembre 2014, par Grosse Fatigue

Le scénario de Terminator™ m’avait beaucoup plu. C’est l’un des rares films hollywoodiens où les effets spéciaux étaient utiles, mais aussi le seul qui mette en exergue l’avenir tant des drones que d’internet.

Welcome to the machine.

Mais. Mais voilà, un film de science-fiction, ou d’anticipation, n’est que ce qu’il est. Rien ne se passe vraiment comme dans la fiction. Le topinambour a remplacé le Terminator™. Et c’est grave. Car on peut lutter contre les Terminators™ : ils sont méchants. Alors qu’un service vocal aidant les ignares à identifier les topinambours dans les rayons fruits et légumes des supermarchés, qui s’en plaindrait ?

Oui, il faut une certaine profondeur de vue, une exigence, j’irais même jusqu’à dire une dose d’intellectualisme pour comprendre que la parabole du topinambour dans la publicité de Big Brother Corporation EST la fin d’un monde. Celui de la perdition subtile des livres, de la curiosité infantile pour l’inutile que l’on ne qualifiait même pas ainsi, de la randonnée au hasard, des chemins de traverse et même, bien pire mon cher Jack Lang, la fin de la poésie et des raccourcis où l’on se perd, car ceux-là nous donnent des David Vincent et des souvenirs alors qu’un topinambour n’était jusqu’à ce jour qu’une sorte de juron de mauvaise mémoire pour ceux qui avaient vécu l’occupation. OCCUPATION : dis ce mot à ton smartphone sombre crétin, et tu n’apprendras rien.

Un jour, il nous suffira de rester allongés dans les canapés suédois à croiser les doigts devant l’écran. Il n’y aura rien d’autre à faire que de consommer des images en devenant obèses. La libéralisation promise par les technologies de tous poils - y compris la tablette à l’école, dernière farce du chef de l’Etat - cette libéralisation est son contraire. Me voilà marxiste, situationniste, me voilà du côté de l’aliénation moi qui rêve en secret je l’avoue mes amis d’un Nikon Df à un prix dérisoire. Demande à ton smartphone ce que c’est.

Et puis le petit me parle. C’est important un petit. Les enfants d’avant la sixième ont cette subtilité qui nous ramène à la poésie des premiers temps, les bactéries, les volcans, le temps qui ne passe pas encore, les inventions dans les greniers des maisons à la campagne. Le petit me propose de faire une toupie avec un bouchon trouvé dans la rivière l’été dernier quand on a ramé jusqu’au petit barrage. Là, des bouchons solitaires attendaient que le courant revienne avec l’automne pour descendre vers la mer. Les carnassiers - brochets, black-bass, sandres ou perches qu’ils devaient indiquer d’un plongeon plus ou moins sec - s’étaient débarrassés de leurs hameçons. Demande à ton portable ce qu’est un black-bass sombre idiot. Oui, ça va, c’est bien un Achigan à grande bouche. Et alors ? Tu sais qu’il vit au fond de l’eau ? Comme les tanches ?
Demande à ton portable.
On s’en fout ?
C’est bien notre malheur.

Le bouchon tricolore vert rouge et jaune traînait dans la cuisine. Mais le soir où j’ai fini le camembert, le petit eut l’idée de croiser bouchon et boîte à camembert pour en faire une toupie percée d’un pic à brochette. Un peu de colle et nous y voilà. Demande à ton portable comment faire une toupie avec ces ustensiles dérisoires pauvre diable.

Car la parabole du topinambour est un raccourci vers la paresse, le seul et unique vice. La vraie paresse, celle que l’on prône depuis avant Taylor (FW), celle qui nous fait croire que ne rien savoir et ne rien savoir faire est une libération au même titre qu’un aspirateur sans sac. Demande à ton portable où trouver une réduction si tu as la carte 12-25.

A quoi ressemble un topinambour ?

A rien.

Et demain, à quoi ressemblera le monde ?

Demande à ton portable.