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Le paradoxe Télérama™

mercredi 8 octobre 2014, par Grosse Fatigue

J’écris ce texte pour la trentième fois sans doute. On peut écrire mille fois sur le même sujet, les mots ne viendront jamais de la même manière. Tout part du même constat. J’ouvre Télérama™ qui n’est pas un journal que j’aime particulièrement, contrairement au Canard Enchaîné, à Books™, Courrier International™, La Recherche™ ou L’acheteur Cycliste™, Lire™ ou le Magazine Littéraire™ ou Réponses-Photo™. Oui, je sais, c’est n’importe quoi. Je suis constitué de n’importe quoi. C’est bien naturel. Alors Télérama™, c’est juste pour l’exemple. C’est un exemple paradigmatique, car on y dénonce à tours de bras la folie des hommes, la disparition des phoques ou de la forêt amazonienne, on vante Salgado dans le même numéro, celui-là où l’on nous parle des pauvres bêtes disparues en même temps que la banquise. On nous demande d’y croire une page sur deux. On y croirait presque, plus sûrement que le Figaro™, à cause de ses lecteurs. Tenez, dans l’affaire de cette pauvre gamine atteinte d’un gliome, un lecteur s’offusque du prénom qu’elle porte, Kaëna, un prénom qui n’existe pas, alors qu’on lui dit qu’elle va mourir.

C’est dire.

On est sans doute en meilleure compagnie avec Télérama™ qu’avec le Figaro™ mais ça n’est pas sûr. Rien n’est vraiment sûr. France-Info nous parle de Kaëna et nous fait douter. Pensez-donc, sa mère veut la sauver, et les médecins français lui disent qu’on ne peut pas. Pensez-donc ! Alors elle découvre un charlatan d’Australie, une espèce qui n’est pas en voie de disparition, et via Facebook™, elle réunit une coquette somme pour que sa fille meure pendant l’opération. C’est terrible. Et France-Info, comme les lecteurs du Figaro™, se demande si les médecins français sont sérieux. Tout devrait être possible, sauf la mort.

Je comprends.

Il faut dire qu’il est maintenant très difficile de comprendre vraiment les choses depuis que tout se vaut. Car tout se vaut. Là est mon commentaire sur Télérama™. La première page s’ouvre sur une berline allemande. Achetez-la pour être plus heureux. La seconde sur le roi du fast-food : mangez-en vous ne risquez rien. La troisième sur l’huile de palme ou une voiture électrique.

Peu importe.

Ce qui détruit le monde est d’origine publicitaire. En aucun cas le rédactionnel n’ose critiquer le publicitaire. J’aimerais bien un journal qui nous dirait de ne pas lire la page de droite, la propagande fast-food. La page de gauche s’excuserait de la page de droite. On pourrait même la plier pour ne plus du tout la voir. On ne lirait que de belles analyses pointues sur les conséquences de la malbouffe sur la biodiversité.

On finirait sans doute par avoir des journaux deux fois moins épais. Puis plus de journaux du tout. Ou bien plus du tout de fast-food. Version angélique d’un monde qui redeviendrait innocent.

Comment faire la différence entre la publicité et la vérité, quand les journaux ne vivent que du paradoxe Télérama™ ? Pourquoi une mère accepterait l’inexorable alors qu’il est maintenant possible de prendre contact rapidement avec un charlatan mondial ? Et quand la petite sera morte, ira-t-on s’excuser auprès des neurochirurgiens français ? L’espoir fait vendre.

Je croyais qu’on en finirait avec la religion.

Il faut aussi en finir avec la publicité.