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Extinction

lundi 19 mai 2014, par Grosse Fatigue

J’ai voté pour l’extinction. J’ai encore entendu par hasard dans la salle de bain Manoukian dire à Arthur H. qu’il avait une sacrée voix. Mais je ne me suis pas mis en colère. Ce dernier venait de chanter - faux la plupart du temps - la chanson de Bardot, la Madrague. Ça n’est que France-Inter, la radio qui endort les gens qui mériteraient mieux en utilisant nos impôts. Mais comme j’ai décidé auparavant de ne plus tenir compte de ces gens, je n’ai rien cassé. La radio étant du dernier-cri (à force de les casser, les enfants m’ont demandé une radio du dernier-cri), on peut brancher n’importe quoi dessus, y compris un aspirateur pourquoi pas. Nous n’écoutons donc plus du tout les informations. Et la dernière tempête ayant eu la bonne idée de bousiller aussi l’antenne de la télévision, nous ne recevons plus guère qu’Arté en HD. C’est très snob j’en conviens. Je suis très snob maintenant.

Ce soir par hasard, la radio distillait des nouvelles du Front, le national, celui de la guerre perpétuelle avec nous-mêmes depuis 1984. Un type du sud sans accent nous y comptait l’Europe et ses illusions. Il voulait l’Europe des peuples. On connaît la chanson.

Je ne me suis pas mis en colère. J’ai écouté Barbara sur un CD copié par une amie qui a changé de travail il y a bien longtemps. L’extinction globale des moyens d’information est comme une sorte de progrès. C’est du moins un premier pas vers ma tranquillité restreinte. Les enfants m’ont assuré qu’il n’y avait pas trop d’embrouilles au collège. Pas trop de racisme. Pas trop d’imbéciles. Alors pourquoi écouter les imbéciles nationaux ou internationaux quand on peut se passer d’eux ? Il vaut mieux tout éteindre.

L’une de mes voisines vit seule. Je pense qu’elle le mérite car on a ce que l’on mérite. Elle laisse son diesel™ allumé dans l’allée derrière chez nous, et peste contre mon potager biologique quand j’y mets le feu au printemps. Elle a osé mettre du désherbant dans l’allée. J’ai osé mettre le feu à ses thuyas, ce qui compensera largement le déséquilibre naturel qui voit son corps de vielle femme ne plus jamais redouter le feu interne, le feu aux fesses. Salope va. J’ai aussi dégommé, de loin et au lance-pierre, l’antenne de sa télé pendant qu’elle allait bosser. J’espère que la punition lui servira de leçon. J’aimerais aussi brouiller la réception des portables à ma guise dans un rayon de deux-cents mètres, et racheter toutes les maisons du quartier lorsque j’aurais gagné à l’Euromillions™, demain soir. Tout cela est possible car plus personne ne me parle pour me dire le contraire.

Je suis aussi resté allongé dans l’herbe, celle que je ne coupe pas, en attendant les sauterelles. J’y suis resté une heure et vingt minutes et puis les gamins m’ont demandé de faire un gâteau au chocolat parce que c’est cela, la vraie vie. Je ne suis plus au courant de rien. Mes collègues continuent à parler de notre travail comme s’il n’y avait pas d’esclave en Afrique mourant pour nous autres. Je les snobe de la même façon en mangeant seul, un verre à la main et un livre dans l’autre, ce qui n’est guère pratique pour avaler la purée.

Je sais bien que je deviens fou, c’est-à-dire vieux. Mais je m’en moque royalement. Vos tatouages sur le cul, j’en ai rien à battre. Tant qu’il restera des pissenlits dans mon gazon, je garderai espoir en un monde meilleur, avec des livres dedans.